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FORMULE GÉNÉRALE DE L’HISTOIRE.

féodale, pendant qu’elle était jeune et forte, l’avait ensuite poussé parmi nous frappé d’aveuglement. Du sein de ces ténèbres prolongées, il continuait à voir toujours radieuse, toujours brillante, cette société qui alors expirait. Ce n’était déjà plus qu’un cadavre qu’il espérait encore la revoir bientôt sur le trône, que dans l’illusion de son orgueil il se croyait peut-être appelé à l’y replacer ; mais sa propre mission était une mission de deuil. Son éloquente voix n’était destinée qu’à prononcer une sorte d’oraison funèbre ; et c’est ainsi que, sans action sur ses contemporains, sans profit pour l’humanité, devait se consumer son beau génie, vain et magnifique ornement au milieu d’éternelles funérailles.

Autour de lui se pressaient ceux de son parti dont les convictions étaient profondes, religieuses : ceux-là dédaignaient les monarchies mixtes ; ils se souvenaient du précaire appui qu’elles avaient prêté au trône de Louis xvi. Ils méprisaient le despotisme paisible et corrompu où s’était endormi Louis xv. Ils étaient hostiles à la monarchie de Louis xiv, car ils ne pouvaient oublier qu’à Versailles s’était achevé l’ouvrage commencé par Richelieu ; que là, les antichambres avaient mieux fait que les échafauds ; que là, la noblesse décimée s’était avilie, mort éternelle d’où les castes ne renaissent plus au monde politique. Ils savaient que l’immense pouvoir central créé par Louis xiv brisa, par son action continue, les influences de la noblesse, du clergé, de la magistrature ; que par lui la noblesse, cessant d’être véritablement une institution, ne fut plus que la frivole décoration du trône, et qu’ainsi la société put être livrée sans contrepoids à la révolution, à l’esprit du progrès : aussi, dans leurs rêves, dans leurs désirs, c’était le moyen âge qu’ils ressuscitaient, sous