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FORMULE GÉNÉRALE DE L’HISTOIRE.

mais alors d’innombrables cris d’allégresse se faisaient entendre sur son passage, des milliers de voix s’élevaient pour la saluer du nom de moderne Antigone. Elles lui dédièrent ce poème, qui n’était point cependant un ouvrage de circonstance, mais une véritable œuvre d’artiste, une évocation de l’antiquité, pure et consciencieuse. Sous la draperie grecque, Antigone dédaignait la misérable langue des allusions, et ne parlait que le noble langage de Sophocle ; néanmoins, jugée sous l’empire de cette première impression, elle ne reçut pas, à beaucoup près, l’accueil qu’elle aurait mérité.

Ce poëme se recommandait pourtant par d’incontestables titres : le style toujours pur, harmonieux et facile, respire la noble simplicité de la poésie antique ; les personnages conservent une fidélité religieuse à leurs caractères convenus, aux mœurs et aux croyances de leur époque ; et cependant tout en ne paraissant parler que sous l’inspiration de la muse grecque, ils s’adressent aussi à des sentimens, à des idées développés en nous par une civilisation plus avancée, et par une religion spiritualiste.

Ce double caractère est surtout remarquable dans Antigone, la figure principale. Il la met en saillie dans le tableau, il la détache admirablement des figures secondaires qui se groupent autour d’elle. Toutefois, ce n’est pas là gracieux caprice d’artiste, anachronisme ingénieux, mais sentiment profond du sujet ; car Antigone, l’un des types du beau moral pour la poésie grecque, et je crois le plus élevé, fait déjà pressentir toute une autre poésie. Au milieu du sombre et poétique nuage où nous apparaît la vierge grecque, il y a, ce me semble, sur son beau visage, comme une lueur an-