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SOUVENIRS DE GRÈCE.

clarté de dix mille flambeaux, vers le temple consacré à sa mère ; une multitude de jeunes filles, ornées de voiles de pourpre, de bleuets, d’épis et de coquelicots, l’environnaient en chantant des hymnes en l’honneur de Jupiter et de Proserpine… Je croyais presque entendre le bruit des clairons, des trompettes et des cymbales : un instant, aux lueurs douteuses d’un crépuscule mourant, Athènes antique revivait à mes yeux. Guidelum, effendi ! s’écria d’une voix forte notre guide albanais, qui voyait avec regret la nuit s’avancer, Guidelum, kidjeh guelir[1]. Ces mots, cette langue, cet homme, me rappelèrent tout à coup à la réalité. Arraché péniblement à mon rêve, et redescendant avec lenteur les marches de la tribune, je jetais sur la ville ensevelie dans l’ombre un long et dernier regard. Athènes, adieu ! les funestes prédictions de l’oracle de Delphes[2] n’ont été que trop accomplies, et l’oiseau de Minerve est resté seul pour gémir sur des ruines que le Musulman lui-même dédaigne d’habiter ; mais, grâce aux vœux puissans et toujours écoutés de mon pays, je puis aussi, du haut de cette tribune sacrée, te prédire un nouvel avenir. Les destinées de la ville de Cécrops sont impérissables ; pour toi bientôt doit renaître une ère nouvelle de gloire, de puissance et de prospérité ; dans le temps où tu donnais asile aux dieux, une ville voisine vit au son de la lyre s’élever ses nobles murailles, les tiennes aussi se relèveront glorieuses

  1. Allons, monsieur, allons, la nuit arrive.
  2. Thuc. ii, § 17. — L’oracle de Delphes menaçait la ville d’une entière destruction, dans le cas où quelques-uns de ses habitans s’établiraient sur l’emplacement occupé par les Pélages, sous l’Acropole. On fut cependant forcé de l’occuper lors du siége d’Athènes, durant la guerre du Péloponèse.