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Une Débauche[1].


(Fragment de la Peau de Chagrin.)

Émile était un auteur qui avait conquis plus de gloire dans ses chutes que les autres n’en recueillent de leurs succès. Hardi dans ses compositions, plein de verve et de mordant, il possédait toutes les qualités que comportaient ses défauts : il était franc, rieur, et disait en face une épigramme à un ami qu’absent il défendait avec courage et loyauté. Il se moquait de tout, même de son avenir ; et, toujours dépourvu d’argent, il restait, comme tous les hommes de quelque portée, plongé dans une inexprimable paresse, jetant un livre dans un mot au nez des gens qui ne savaient pas mettre un mot dans leurs livres. Il plaisait par des promesses qu’il ne réa-

  1. Impatiemment attendue, l’œuvre originale dans laquelle notre collaborateur a, dit-on, merveilleusement uni la peinture de la société moderne, son manque de croyance, son luxe, ses passions, aux plus hautes idées morales et philosophiques, doit paraître dans quelques jours (le 15 juin). On sait que la Peau de Chagrin a déjà obtenu dans les salons de Paris d’honorables suffrages.

    Raphaël de Valentin, le héros du livre, est poussé par le désespoir à un cruel suicide. Mais il voudrait assister encore à une orgie, afin de mourir comme le duc de Clarence, non pas tout-à-fait dans un tonneau de Malvoisie, mais au milieu d’un festin moderne, éclatant de luxe, et au sein de la débauche. En ce moment, l’un de ses amis, Émile, le rencontre, et l’emmène au dîner donné par un capitaliste qui fonde un journal ministériel.