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LITTÉRATURE.

son monde fort peu et fort mal, afin sans doute qu’on ne dise pas que les appointemens du préfet servent à faire des amis au gouvernement (chose monstrueuse en administration !)… En vérité, dans tout ceci, je ne vois rien qui soit fort au-dessus d’une intelligence et d’un mérite ordinaires.

Eh bien ! il y aurait toujours quatre-vingt-six préfets excellens (comme il y en a eu quelques-uns dans un espace de trente ans), si l’on voulait toujours chercher la capacité, la moralité, la vocation spéciale où elles se trouvent, c’est-à-dire parmi les hommes déjà éprouvés ; si le chapitre des considérations, si les engagemens, si l’esprit de parti, le plus bête des esprits, comme je crains bien de l’avoir déjà dit quelque part ; si… que sais-je, moi ? Ce que je sais, tout ignorant que je sois, c’est que notre bonne terre de France produit certainement assez d’hommes de mérite et de vertu pour alimenter toutes les fonctions publiques. Ce n’est donc pas sa faute, ni la mienne, quand par hasard… quelques places… ne sont pas remplies, peut-être, aussi dignement qu’on le désirerait.

Nous arrivons à un point de la discussion fort délicat, fort embarrassant pour un homme qui a écrit quelques lignes dans sa vie, savoir : si les écrivains sont aptes aux fonctions politiques. Je vais me trouver placé entre mon dogme de la spécialité et mon orgueil littéraire : position tout aussi dramatique, s’il se peut, que celle d’Alzire et de cinquante princesses classiques, entre un sauvage et leur devoir. Charmant sauvage, il est vrai, qui a des plumes terribles sur la tête, un grand soleil sur la poitrine, peut-être même une massue de carton à la main, mais qui vous a des sentimens et un langage !… Ah ! peste ! Au surplus, ce n’est pas de cela qu’il s’agit.

L’autre jour, un gros fonctionnaire bien épais, bien satisfait, bien médiocre, me tint à peu près ce langage : « Ah ! ah ! vous y voilà ! il faut bien que vous en conveniez vous-même, vous avez reconnu le principe, et de conséquences en conséquences nous parvenons à celle-ci : que les hommes de lettres