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LITTÉRATURE.

des mains tournées vers le ciel, il prononça cette prière :

— Ô soleil ! œil du monde ! Dieu de la lumière, des planètes et de la vie ! venez, le dieu Vichnou emprunte de vous son éclat ; vous êtes pur et vous purifiez.

Et, prenant des mains d’un des sudras une petite soucoupe d’or, il versa en libation de l’eau, des fleurs rouges et de la poudre de sandal.

L’Européen, comme impatienté de ces cérémonies, s’avança d’un air de mauvaise humeur vers l’Indien, au moment où il finissait sa libation, et le frappa sur l’épaule : le brahme se retourna en rougissant subitement, et comme s’il eût su parfaitement qu’il devait lui obéir, le suivit vers le temple de Medinet-Abou, avec une docilité qui rendit le père Servus Dei totalement stupéfait. L’Indou, suivi de ses sudras et de la famille arabe, marchait à pied près de l’Européen, comme un écolier auprès de son maître qui lui fait répéter sa leçon. L’interprète paraissait même réprimander ce nouveau-venu, qui, parvenu à la grande enceinte ruinée que nous connaissons, tira de sa poche un porte-feuille de satin blanc, qui en renfermait un autre de moindre taille ; dans le second était un troisième porte-feuille parfumé.

— Il n’en finira pas, dit l’interprète en français au missionnaire. Enfin, on vit sortir d’un quatrième sachet une petite lettre sur papier jaune, barbouillé d’une écriture tortueuse et confuse.

— C’est lui ! c’est bien lui ! cria l’interprète en souriant d’un côté de la bouche seulement ; tenez, père, voilà l’homme : lisez, si vous pouvez.

— Je ne sais pas bien, mon ami, si ma vue a baissé ou si j’ai oublié le français, mais cette écriture ne ressemble à aucune de celles que j’ai vues dans ma vie. C’est une suite d’et cœtera tortillés comme des serpens entassés dans un bocal.

— C’est tout simplement la main d’un homme d’action que l’écriture ennuie et qui se dépêche ; mais lisez :