Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 2.djvu/26

Cette page a été validée par deux contributeurs.
16
VOYAGES.

çaient-elles à blanchir les plus hauts sommets du Pentélique et de l’Hymette, que nous étions descendus à terre  ; plus diligens que nous, des Albanais du voisinage, instruits de l’arrivée d’un bâtiment, avaient amené des chevaux sur une petite grève qui s’avance au fond du port. Nous nous empressâmes de nous mettre en route, afin de dissiper l’engourdissement causé par la fraîcheur de la nuit, qui nous avait paru bien longue. Le conducteur de notre petite caravane était un Albanais musulman des sauvages montagnes du Valthos ; il portait un long sarreau de toile grise, ramassé par une ceinture de cuir : des sandales de peau non préparées, le fezzi rouge et une longue escopette complétaient l’équipement de ce grossier pallicare ; quel guide pour visiter le séjour d’Alcibiade et d’Aspasie ! Le mot guidelum (marchons !), répété de temps en temps avec une gravité imperturbable, fut le seul qui sortit de sa bouche pendant toute la durée de notre trajet ; seulement il nous adressait parfois un de ces regards de curiosité dédaigneuse que l’arrogance musulmane veut bien accorder aux ghiaours[1]. À mesure que nous avancions, on reconnaissait les restes des longues murailles que construisit Callicrates[2], et que renversa Lysandre ; tantôt elles disparaissaient sous les ondulations d’un terrain légèrement inégal, tantôt mises à nu jusqu’à leurs bases, elles nous laissaient apercevoir ces larges blocs qui donnaient aux constructions antiques une si grande solidité. La plaine ne nous offrit pendant long-temps qu’une terre stérile couverte de bruyères, de thym, de salsola soda, d’Amaryllis et d’ar-

  1. Infidèles.
  2. Plutarq. Pericl. §. 23.