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ESSAIS DE PALINGÉNÉSIE SOCIALE.

Appius Claudius, profondément ému, mais qui ne veut pas laisser paraître son émotion, dit : « Où se trouve le patron, le client n’a nul besoin de se trouver. Jeune fille, encore une fois, ton père légal est présent. »

« Je croyais, dit la jeune fille, que les xii Tables avaient affranchi les cliens ! »

« On ne conteste point, reprend le juge, que tu ne sois de condition libre : ton patron, et non pas moi, te protégerait, et ce serait son devoir, si quelqu’un voulait te réduire à l’esclavage ; mais les droits de celui que tu appelles ton père dépendent d’une volonté supérieure à la sienne. »

L’assemblée gémissait. Appius Claudius, s’écriant de nouveau, pour être entendu de plus loin, dit : « À qui appartient la glèbe arrosée par les sueurs de celui que l’on dit père de la jeune fille ? L’union obscure qu’il a contractée avec une plébéienne comme lui sans aïeux, et qui lui a donné un enfant, cette union a-t-elle eu d’autre éclat que l’éclat emprunté du patron ? a-t-elle eu d’autre sanction que les paroles consacrées à un tel usage, prononcées par le patron, et répétées à mesure, une à une, par le client ? La renommée a-t-elle publié hors de l’enceinte domestique un mariage, c’est-à-dire la communication des choses divines et humaines ? Enfin, celui que l’on dit père de la jeune fille est-il père en vertu de justes noces contractées sous les auspices de Jupiter Initiateur, qui préside aux noces solennelles ? L’épouse, mère de la jeune fille, a-t-elle invoqué Junon Pronuba, sous le voile du connubium, emblème de la pudeur des épouses nommées justes ? »

La multitude garde un morne silence.