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ALBUM.

Et qui, se reflétant sur la sainte coupole,
Est du globe endormi la céleste auréole.
Chacun d’eux courbe un front pâle, il prie ; il écrit,
Il désespère, il pleure ; il espère, il sourit ;
Il arrache son sein et ses cheveux, s’enfonce
Dans l’énigme sans fin dont Dieu sait la réponse,
Et dont l’humanité, demandant son décret,
Tous les mille ans rejette et cherche le secret.
Chacun d’eux pousse un cris d’amour vers une idée.
L’un soutien en pleurant la croix dépossédée,
S’assied près du sépulcre, et seul, comme un banni,
Il se frappe, en disant : Lamma Sabacthani ;
Dans son sang, dans ses pleurs, il baigne, il noie, il plonge
La couronne d’épine et la lance et l’éponge,
Baise le corps du Christ, le soulève, et lui dit :
« Reparais, roi des Juifs, ainsi qu’il est prédit ;
Viens, ressuscite encore aux yeux du seul apôtre.
L’Église meurt : renais dans sa cendre et la nôtre,
Règne, et sur les débris des schismes expiés
Renverse tes gardiens des lueurs de tes pieds. »
— Rien. Le corps du Dieu ploie aux mains du dernier homme,
Prêtre pauvre et puissant pour Rome et malgré Rome.
Le cadavre adoré de ses élans immortels
Ne laisse plus tomber de sang pour ses autels ;
Rien. – Il n’ouvrira pas son oreille endormie
Aux lamentations du nouveau Jérémie,
Et il laissera seul, mais d’une habile main,
Retremper la tiare en l’alliage humain.
— Liberté ! crie un autre, et soudain la tristesse
Comme un taureau le tue aux pieds de sa déesse,
Parce qu’ayant en vain quarante ans combattu,
Il ne peut rien construire où tout est abattu.
N’importe ! Autour de lui des travailleurs sans nombre,
Aveugles inquiets, cherchent à travers l’ombre
Je ne sais quel chemin qu’ils ne connaissent pas,
Réglant et mesurant, sans règle et sans compas,
L’un sur l’autre semant des arbres sans racines,
Et mettant au hasard l’ordre dans les ruines.
Et comme il est écrit que chacun porte en soi
Le mal qui le tuera, regarde en bas, et voi.
Derrière eux s’est groupée une famille forte