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LITTÉRATURE.

— Et le malheureux patrimoine desséchait, fondait à vue d’œil, que c’était pitié !

— Or un jour, sur les trois heures du soir, quatre mois après leur mariage, et le lendemain du retour du comte, qui s’était absenté quelque temps, ils étaient couchés tous deux, beaux de leur pâleur, de leurs traits fatigués. « Arthur, » disait Marie, en peignant ses longs cheveux noirs qu’elle avait si beaux, avec ses jolis doigts blancs un peu amaigris, « Arthur… encore un mois de pareil bonheur… et puis mourir… Dis, mon ange, nous aurons usé tous les plaisirs, depuis la molle et douce extase jusqu’au spasme nerveux et convulsif ; fait envier notre luxe, notre ivresse toujours renaissante… Nous sommes trop heureux… il est impossible que cela dure… devançons l’heure des regrets qui viendrait peut-être. Veux-tu ? dis, mon amour !… veux-tu mourir bientôt ?… Un charbon parfumé, ma bouche sur ta bouche, et nous nous en irons comme toujours… ensemble… »

Et la délicieuse créature, sa tête entre les mains, ses coudes à mignonnes fossettes, appuyés sur les riches dentelles de son oreiller, attachait ses grands yeux battus et voilés sur la pâle figure de son mari.

Arthur se dressa de toute la hauteur de son buste, son regard flamboyait, et une incroyable expression d’étonnement et de joie rayonnait sur son front… Il était plongé dans une ravissante béatitude… cette idée lui était venue à lui… cinq jours avant, et au fait :

À vingt-huit ans il avait vécu autant qu’il est possible de vivre avec un corps de fer, une âme de feu et des tonnes d’or. – Cette passion qu’il éprouvait pour sa femme semblait résumer toutes ses passions, car il l’aimait de tout l’amour qu’il avait eu pour les chevaux, les chiens, le jeu, le vin, et les filles d’opéra ou d’ailleurs.

Et puis aussi le misérable patrimoine était devenu si étique, si souffreteux, si chétif, si diaphane, qu’on voyait la misère au travers.