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L’ENFANT MAUDIT.

pour que tu puisses me suivre. Nous irons comme des balles au sortir de l’arquebuse. Quand je serai prêt, sois-le. Je sonnerai de nouveau.

Bertrand s’inclina en silence, et partit. Quand il eut descendu quelques marches, il se dit à lui-même, en entendant siffler l’ouragan :

— Tous les démons sont dehors, jarni-dieu !… et ça m’aurait étonné de voir celui-ci rester tranquille. C’est par une tempête semblable que nous avons surpris Saint-Lô !…

Le comte trouva dans sa chambre un costume favorable à son projet, et qui lui servait souvent pour ses stratagèmes. Il s’habilla à la hâte avec une mauvaise casaque qui avait l’air d’appartenir à l’un de ces pauvres reîtres dont Henri iv payait si rarement la solde, et revint promptement dans la chambre où gémissait sa femme.

— Tachez de souffrir patiemment, lui dit-il. Je crèverai, s’il le faut, mon cheval, afin de revenir plus vite pour apaiser vos douleurs.

Malgré les sons rauques de la voix de son mari, ces paroles n’annonçant rien de funeste, la comtesse, enhardie, se préparait à faire une question, lorsque le comte lui demanda tout à coup :

— Ne pourriez-vous pas m’indiquer où vous mettez vos masques ?…

— Mes masques !… répondit-elle. Bon Dieu, que voulez-vous en faire ?…

— Où sont vos masques ? répéta-t-il avec sa violence ordinaire.

— Dans le bahut, dit-elle.

La comtesse ne put s’empêcher de frémir en voyant son mari s’emparer de tous ses masques, et s’occuper, avec une attention minutieuse, à déguiser son visage à l’aide d’un tour et de nez, dont l’usage était aussi naturel aux dames de cette époque, que l’est celui des gants aux femmes d’aujourd’hui.

Le comte devint entièrement méconnaissable quand il