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LITTÉRATURE.


§ II.
LE REBOUTEUR.

— Pourquoi pleurez-vous ?… demanda le comte en tirant vivement le drap sous lequel sa femme s’était ensevelie.

Cette voix, toujours effrayante pour elle, eut en ce moment une douceur factice qui lui sembla de bon augure.

— Je souffre beaucoup, répondit-elle.

— Eh bien ! ma mignonne, est-ce un crime que de souffrir ? Pourquoi vous cacher quand je vous regarde ? Hélas ! que faut-il donc faire pour être aimé ?

Il soupira, et toutes les rides de son front s’amassèrent entre ses deux sourcils.

— Je vous cause toujours de l’effroi, je le vois bien !…

La comtesse se permit d’interrompre son mari en jetant quelques gémissemens, et conseillée par l’instinct des caractères faibles et timides, elle s’écria tout à coup :

— Je crains de faire une fausse couche ! J’ai couru sur les rochers toute la soirée, et je me serai sans doute trop fatiguée…

Elle trembla violemment en prononçant ces paroles, tant son mari la regardait fixement ; car, prenant la peur qu’il inspirait à cette naïve créature, pour l’expression d’un remords, il répliqua :

— Mais c’est peut-être un accouchement véritable qui commence…

— Eh bien ?… dit-elle…

— Eh bien ! dans tous les cas, il faut ici quelqu’un d’habile, et je vais le chercher…

L’air sombre dont ces paroles furent accompagnées, glaça la comtesse. Elle retomba sur le lit en poussant un cri