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PERSÉCUTION DE LA FAMILLE DES DOUZ-OGLOU.

tholique voulurent sceller leur triomphe du sang des quatre aînés de la famille, qu’ils accusaient, à tort, d’avoir dilapidé les deniers de l’état ; et la haine religieuse et politique de quelques personnages qui agissaient derrière le rideau, les poursuivait plus encore comme catholiques influens sur la nation arménienne, que comme coupables d’aucun autre délit. Aussi le crime de propagation du catholicisme[1] leur était-il reproché dans l’écriteau qu’on jeta sur leurs cadavres mutilés[2]. On n’osa pas faire périr en même temps les trois autres frères qui survivaient à ces sanglantes exécutions, et qu’on tenait rigoureusement emprisonnés, ainsi que les sœurs, les veuves et les enfans de ces déplorables victimes ; on recula devant l’opinion publique que frappa d’une sorte de stupeur le supplice des aînés, réprouvé par le corps de la magistrature ottomane : le mufti avait refusé en effet de sanctionner la sentence de mort dictée par un favori alors tout-puissant, le fameux Halet-Effendi ; mais il fut déposé, et envoyé en exil.

Quant au membre de cette noble famille dont j’ai prononcé le nom plus haut, M. Jacques Douz-Oglou, à l’époque de l’arrestation de ses frères, parcourait, en voyageur instruit et avide d’augmenter ses connaissances, les rivages, alors paisibles, de la Grèce, de l’Asie-Mineure, et les îles de l’Ar-

  1. Il a fait depuis 1778 de tels progrès dans la nation arménienne, que Constantinople en contient peut-être aujourd’hui 60,000 sur une masse d’environ 150,000 Arméniens, habitans de cette vaste capitale.

    Depuis l’époque où cette lettre a été écrite, les catholiques ont essuyé une persécution cruelle qui les avait dispersés et ruinés (hiver 1828) ; mais l’ambassadeur de France est parvenu, en 1830, à ouvrir les yeux de la Porte sur ses véritables intérêts, et sur la nécessité de séparer les deux communions arméniennes, en donnant aussi un chef politique et religieux aux catholiques, dans la personne d’un archevêque approuvé par le Saint-Siége. Nous reviendrons sur ce sujet.

  2. Ils furent exécutés le 16 octobre 1819, les deux aînés à la porte du sérail, en leur qualité de beys : leur frère et leur cousin germain furent pendus à leur maison de campagne de Yèni-Kem.