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LE NÉCROMANCIEN.

mystères qui enveloppaient sa destinée n’avaient fait qu’accroître son attachement pour son fiancé.

» J’imaginai alors d’employer mon art pour vaincre sa résistance. J’entre un matin chez Ludovico, et lui communique mon projet. J’eus quelque peine à le décider ; cependant il l’approuva. Le lendemain, je réunis les deux familles dans une salle basse du château, à moitié éclairée par des torches. L’aspect lugubre de cette salle, ses noirs vitraux gothiques, ces instrumens inconnus que j’avais rangés sur une immense table de chêne, avaient quelque chose de solennel qui était parfaitement en harmonie avec ce qui allait se passer. Après quelques préliminaires qui tendaient à préparer l’imagination de mes spectateurs, j’évoque à trois fois l’ombre de Gioachino. Il paraît enfin, et s’avance lentement d’une des extrémités de la salle, comme accablé par la souffrance ; il portait le costume d’un esclave africain ; son sang jaillissait d’une profonde blessure au cou. Chacun frissonnait d’horreur. J’interpelle Gioachino ; je lui demande s’il n’a pas été fait prisonnier par les Barbaresques, s’il n’a pas péri sous leurs coups ; il répond en inclinant la tête et en portant la main à sa blessure. N’y a-t-il aucun lien sur la terre, ajoutai-je, qui vous fasse regretter la vie ? Il fit un signe négatif, et laissa tomber un anneau ; c’était celui de sa fiancée Maria. La jeune comtesse s’évanouit ; toute la famille était dans la stupeur ; et tel fut l’effet que cette apparition produisit sur Maria, qu’elle éprouva bientôt une fièvre ardente, qui donna d’abord des craintes