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HISTOIRE.

Caractère.

L’ignorance et la superstition sont poussées, dans la masse du peuple grec, au plus haut degré possible ; ce n’est pas que la nature ait été avare de ses dons envers lui. Elle lui a, au contraire, départi l’intelligence à un merveilleux degré, et, je l’ai déjà dit dans un autre endroit, c’est une étude fort instructive que d’observer la finesse et l’adresse que les Grecs déploient pour arriver à leurs fins. Avec eux, il faut être constamment sur ses gardes. Aucune parole, aucun geste n’est perdu ; ils lisent dans vos regards jusqu’à vos pensées les plus secrètes, et en un clin d’œil ils vous auront deviné. Ils s’envelopperont des dehors de la bonhomie, de la stupidité même ; mais sous cette écorce grossière est toute l’astuce du renard, et satisfaits de vous avoir trompé, ils triompheront de vos mépris. Il n’est pas un acte, pas un mot qui ne soit calculé chez eux, ils saisissent au premier abord et avec un rare instinct les détours les plus éloignés qui peuvent les rapprocher de leur but, et, pareils au vaisseau qui louvoie contre le vent, ils éviteront d’y marcher droit, pour marcher plus sûrement. Nul n’est plus habile pour trouver le côté faible, et ils réuniront pour l’attaquer tout ce que leur génie inventif leur fournit de ruse et d’adresse ; la flatterie, l’imagination, la pitié, l’intérêt, la persuasion, ils manieront tout