Page:Revue des Deux Mondes - 1830 - tome 2.djvu/312

Cette page a été validée par deux contributeurs.
294
HISTOIRE.

leurs récits doit singulièrement prévenir contre ce qu’ils avancent, dans un sens comme dans un autre, et engager à rejeter un témoignage aussi suspect. Mais leur unanimité même affaiblirait peu dans mon esprit le témoignage des faits. C’est de faits que l’histoire se compose, et toute opinion qui s’établit sur d’autres bases est bien près du vague et de l’erreur. Ici, ce sont les faits que j’invoque, et lorsque j’en vois une masse toute réunie dans un même faisceau, c’est à eux seuls que je m’adresserai pour asseoir mon jugement. Que la majorité des Grecs soit ou non étrangère aux crimes de ses chefs, c’est ce que je ne sais pas. Je me suis borné à les signaler ; libre ensuite à chacun d’en tirer les inductions qu’il voudra. Quant à mon opinion personnelle, j’avoue que je ne me sens pas disposé à me fier aveuglément à des croyances ou à des enthousiasmes. J’avoue encore que ma foi n’est pas assez vive pour comprendre un patriotisme qui consiste à trahir sa patrie et à se vendre à l’ennemi, et que, à quelque degré d’ignorance qu’on veuille descendre, je ne conçois pas davantage que des actions aussi opposées puissent se concilier. Si on veut nous prouver que ce n’est point par amour pour les Turcs que les Grecs trahissent la Grèce, et qu’après la trahison ils ne les en détestent pas moins qu’auparavant, tout le monde le croira sans peine. Mais je demanderai encore, et pour la dernière fois, qu’on veuille m’expliquer comment cela peut être du patriotisme, et quelle espèce d’intérêt ce patriotisme peut nous inspirer.

Quant à cette raison banale, dont nous avons été