Page:Revue des Deux Mondes - 1830 - tome 1.djvu/393

Cette page a été validée par deux contributeurs.
385
LETTRES SUR L’INDE ANGLAISE.

ployer mon influence pour réconcilier les soldats avec leur nouveau costume. Je voulus commencer mes conversions par un jeune homme qui, quelques années auparavant, avait été mon domestique. Je l’avais toujours trouvé doux et respectueux. Mais, en cette occasion, le sentiment du danger que courait sa religion l’avait rendu presque farouche. Je lui demandais un jour d’où venait sa répugnance à porter le nouveau turban. « Un turban ! s’écria-t-il, ce n’est point un turban, c’est un chapeau européen, et je mourrai plutôt que de le porter… »

Tels sont les soldats que vous allez commander, mon ami, et qui devront un jour établir votre réputation militaire. Songez bien que les officiers européens sont le pivot sur lequel tourne la vaste machine de l’armée indienne. Si l’attachement des Cipayes venait à s’affaiblir, c’est à eux qu’il faudrait l’imputer ; car jamais un officier indigène ne pourra espérer de commander même autant de respect qu’un sergent européen. Tous deux sont pris dans les basses classes ; tous deux sont également illettrés ; mais l’esprit de caste fait perdre toute espèce d’avantage à l’indigène. Vous ne tarderez pas, au reste, à le reconnaître et à l’éprouver vous-même.


Le L.-Col. Briggs.