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MOSCOU[1]




SOUVENIRS DE 1828.


… J’étais à Moscou en 1828 : J’y assistai à la célébration anniversaire de la retraite des Français. Il était tombé de la neige ; les traîneaux avaient remplacé les droskys, et toute la nature était triste et monotone. À dix heures du matin, les habitans de la ville se réunirent près de la porte sacrée du Kremlin ; ce fut là aussi que je me morfondis à attendre la procession. Il était tout-à-fait inutile de passer cette porte, par l’excellente raison que celui qui pénètre dans l’enceinte doit rester la tête découverte. Les versions varient sur les motifs de cet acte de vénération : quelques personnes prétendent que c’est en commémoration de la miraculeuse conservation de ce palais, dans une invasion des Tartares ; d’autres, au contraire, vont en chercher l’origine dans la délivrance de la dernière peste. La procession commença vers dix heures et demie ; elle était composée de tout le clergé de Moscou, et suivie de presque toute la populace de la ville. Toutes les richesses des églises se trouvaient déployées, et les ornemens des primats étaient les plus magnifiques que j’aie jamais vus. Les curés et le clergé subalterne marchaient la tête nue, et laissaient leurs longs cheveux flotter sur leurs épaules. Les bannières des églises, les crucifix, les soldats et le peuple formaient un spectacle nouveau et imposant. C’est une grande fête pour les Russes ; aussi les saints reçoivent-ils un plus grand nombre de cierges, et l’image qui est sur la porte du Kremlin obtient-elle plus de génuflexions en ce seul jour, que dans tout le reste de l’année. C’est cette image si miraculeuse qui préserva ce palais, lorsque Bonaparte

  1. The New Monthly Magazine..