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pour démontrer que toutes les atrocités des francs-tireurs étaient déjà, pour qui savait lire, inscrites en puissance dans l’art flamand [1]. Une unité profonde animait déjà toutes ces légendes, nées au front d’un état d’âme commun ; l’esprit de la bourgeoisie allemande, méthodique et un peu pédant, en fit un système d’erreurs bien construit et fondé sur l’histoire [2].


III

Je voudrais maintenant, m’appuyant sur les ouvrages qui viennent d’être analysés et sur mon expérience personnelle, présenter quelques remarques rapides touchant les fausses nouvelles de guerre et les problèmes qui se posent à leur propos.

Voici d’abord une fausse nouvelle, dont j’ai pu observer moi-même très exactement la genèse. Elle est de peu d’ampleur et de peu de portée ; une toute petite légende, modeste et presque insignifiante ; mais, — comme le sont souvent en tout ordre de science les cas très simples, — elle me paraît parfaitement typique.

C’était au mois de septembre 1917. Le régiment d’infanterie dont je faisais partie occupait sur le plateau du Chemin-des-Dames, au nord de la petite ville de Braisne [3], le secteur dit l’Épine-de-Chevregny. On ignorait quelles unités nous avions en face de nous ; il fallait le savoir ; car le commandement qui préparait à ce moment, dans la même région, l’attaque de la Malmaison, ne pouvait admettre de lacunes dans ses connaissances sur le plan de bataille ennemi. Nous reçûmes l’ordre de faire des prisonniers. Un coup de

  1. Le professeur B. Händecke, de Königsberg, dans un article intitulé : Die belgischen Franktireurs und die Kunst Belgiens, Nationale Rundschau, I (1914-15). Cf. van Langenhove, p. 251 suiv. Je n’ai pu voir l’article de Händecke.
  2. L’imagination populaire déforme toujours. Quelles qu’aient été les « atrocités » hélas ! trop réelles perpétrées par les Allemands sur le sol français, il s’est mêlé aux récits qui en furent faits bien des scories légendaires : telle, si je ne me trompe, la légende des « mains coupées ». Il y aurait là pour un esprit probe et courageux un sujet d’étude fort attachant. Aussi bien conviendrait-il de dresser une bonne fois le bilan exact des crimes allemands, en en éliminant tout ce qui est fausses nouvelles ou même renseignement douteux : de quelle utilité un pareil travail ne serait-il pas, non seulement pour l’histoire sereine, mais aussi pour notre propagande à laquelle, depuis la paix, il reste encore une tâche utile à accomplir, — en Alsace-Lorraine, dans les pays amis ou alliés, en Allemagne même ? La vérité perd de sa force, lorsqu’elle est mêlée à des erreurs.
  3. Aisne, arr. Soissons. Bien entendu, on prononce sans faire sentir l’S.