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n’est possible qu’après que de bonnes monographies ont préparé la matière. Ce qu’il nous faut, pour l’instant, sur les fausses nouvelles de guerre, ce sont des études de détail, soigneuses et limitées : cas typiques pris isolément, ou cycles légendaires, bien déterminés, suivis dans leur genèse et leurs ramifications. C’est ce qu’ont cherché à nous donner deux auteurs, rompus aux bonnes méthodes, un historien anglais, M. Oman, un sociologue belge, M. van Langenhove.

Président, en 1918, de la Société Historique Royale, M. Oman fut appelé à prononcer en séance plénière l’allocution d’usage ; il choisit pour sujet la fausse nouvelle, ou plutôt, pour me servir de ses propres termes, il s’efforca d’illustrer la psychologie de la Rumeur par l’examen d’incidents qui ont eu lieu pendant la présente guerre [1]. On trouvera dans cette courte dissertation, à côté de remarques générales souvent pénétrantes, mais un peu rapides, une étude plus fouillée sur une légende célèbre : celle des renforts russes.

On se souvient de ce bruit qui, vers la fin d’août 1914, se répandit en Grande-Bretagne et en France, comme s’allume une traînée de poudre : les Russes, par dizaines de mille, débarquant selon les uns dans les ports écossais, selon d’autres à Marseille, venaient grossir les rangs des alliés occidentaux. Autant que j’en puis juger, c’était une fausse nouvelle d’arrière ; j’ignore si, sur certains points, elle gagna les armées ; je ne crois pas qu’elle y ait eu son origine. M. Oman analyse fort bien l’état d’âme qui s’exprima en elle : désir passionné de voir se renforcer le front, pour lequel on tremblait, — prestige de la Russie, conçue par la pensée populaire et dépeinte par la presse comme un inépuisable réservoir d’hommes. Mais quel fut l’incident premier dont naquit l’erreur ? la chiquenaude, si je puis dire, qui mit en branle les imaginations ? Les hypothèses que M. Oman, non sans hésitation, propose à ce sujet, — présence à Édimbourg d’officiers d’état-major russes, à Liverpool de réservistes russes, arrivés d’Amérique — ne me satisfont qu’à moitié ; ou pour mieux dire, j’estime qu’une hypothèse unique ne saurait suffire. M. Oman paraît ignorer que

  1. C. W. C. Oman, Presidential Adress. Transactions of the Royal Historical Society, Fourth Series, I (1918), p. 1-27. Une partie du mémoire de M. Oman est consacrée à la légende superstitieuse, ou peut-être tout simplement purement littéraire, des Anges de Mons ; cf. Dauzat, loc. cit., p. 32.