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là ne mérite de passionner quiconque aime à réfléchir sur l’histoire.

Mais sur elles l’histoire ne nous apporte que des lumières insuffisantes. Nos ancêtres ne se posaient guère ces sortes de problèmes ; ils rejetaient l’erreur, quand ils l’avaient reconnue pour telle ; ils ne s’intéressaient pas à son développement. C’est pourquoi les indications qu’ils nous ont laissées ne nous permettent pas de satisfaire nos curiosités, qu’ils ignoraient. L’étude du passé doit en pareille matière s’appuyer sur l’observation du présent. L’historien qui cherche à comprendre la genèse et le développement des fausses nouvelles, déçu par la lecture des documents, songera naturellement à se tourner vers les laboratoires des psychologues. Les expériences qu’on y institue couramment sur le témoignage suffiront-elles à lui fournir l’enseignement que l’érudition lui refuse ? Je ne le crois pas ; et cela pour plusieurs raisons.

Considérons par exemple la première en date, si je ne me trompe, en tout cas la plus frappante d’entre elles : l’attentat simulé qu’organisa, dans son séminaire, à Berlin, le criminalogiste Lizt [1]. Les étudiants qui avaient assisté à ce petit drame et l’avaient pris au sérieux furent interrogés, les uns le soir même, d’autres une semaine, d’autres encore cinq semaines après l’événement. A partir du dernier interrogatoire la vérité cessa de leur être cachée : ils surent exactement ce qui s’était passé (puisque le scénario avait été minutieusement réglé à l’avance) et que ce qui s’était passé n’était que plaisanterie. Ainsi la fausse nouvelle fut arrêtée, si j’ose dire, en cours de croissance. Il en va de même des autres épreuves de cette sorte ; l’intervalle de temps qui dans chacune d’elles sépare le moment où les sujets observent de celui où leurs dépositions sont recueillies varie sans doute selon les cas, mais il demeure toujours du même ordre de grandeur. Par ailleurs le nombre de personnes auxquelles s’étend l’enquête se limite le plus souvent à un cercle assez restreint. Bien plus : on ne s’attache d’ordinaire qu’aux témoins directs ; quiconque n’a pas vu lui-même ne comparaît point ; les témoins secondaires, qui ne parlent que par ouï-dire sont exclus ; dans la vie réelle au

  1. Le compte rendu en a été donné par Jaffa. Ein psychologischer Experiment im Kriminalseminar der Universität Berlin, Beiträge zur Psychologie der Aussage, I (1903), p. 79 ; cf. Varendonck, p. 42 suiv.