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E. CHARTIER.SUR LES PERCEPTIONS DU TOUCHER..

haut, etc. De même : en arrière à droite, etc. Il importe de remarquer que ces régions sont déterminées par des mouvements plutôt que par des positions, puisque rationnellement l’idée de direction d’un mouvement précède l’idée de position. Ces huit régions de l’espace seraient donc mieux dénommées huit directions ; car la main gauche, par exemple, tout en étant dans la région gauche, peut faire un mouvement vers la droite et inversement, étant à droite faire un mouvement vers la gauche ; on conçoit par là plus clairement que les notions de direction sont uniquement relatives aux mouvements que nous avons à faire à chaque instant, de telle manière qu’une chose qui est d’abord à droite peut être ensuite à gauche sans s’être mise en mouvement, et sans qu’il y ait là d’impossibilité rationnelle ; car ce changement s’explique par un mouvement déterminé de notre corps : quand la position d’une chose a changé, cela ne veut point dire que la chose elle-même a changé ; ce qui a changé, c’est le mouvement que nous avons à faire pour l’atteindre.

Dire que les positions des choses sont déterminées par une distance et une direction, cela ne veut pas dire que la distance et la direction restent constantes pour un même objet, mais que ces données ne peuvent varier pour un objet sans varier en même temps pour les autres d’une manière déterminée, et, par exemple, que si un objet passe de droite à gauche, tel autre y passera aussi, et tel autre au contraire passera de gauche à droite constamment ; et c’est là-dessus que repose la notion de la position fixe des objets, comme aussi celle de leur mouvement.

C’est seulement lorsque nous avons acquis la notion de direction que nous pouvons former celle de résistance. En effet, tant que nous n’avons pas la notion d’un mouvement que nous voulons faire et de la direction de ce mouvement, nous ne pouvons avoir l’idée d’un obstacle opposé à ce mouvement ; nous constaterions simplement qu’une série connue serait interrompue à un moment donné par une sensation croissante de pression. Or, dans l’idée de résistance il y a de plus l’idée de quelque chose qui contrarie notre volonté, et que notre action rencontre sur sa route. Or, sans l’idée de direction, nous pourrons très bien sans nous en douter tourner l’obstacle et percevoir de nouvelles séries. Donc l’idée de résistance suppose, pour être formée, la possession de deux idées préalables : l’idée d’un mouvement que nous voulons faire et dont les conditions sont changées ; et l’idée que nous sommes obligés de changer de direction à un