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explicable si la couleur était une donnée primitive ; car il faudrait croire alors que le donné n’est pas le même pour le daltonien que pour les autres : il vaut mieux conclure que le donné est le même pour tous, mais que chacun ne sait pas également bien l’organiser et l’interpréter.

Quel est enfin le résidu de cette analyse ? Que reste-t-il dans la perception qui manifeste la nature du monde et non pas la nôtre ? Il reste d’abord la multiplicité indéfinie, qui est le contraire de la pensée et la nature essentielle de l’objet. Il reste ensuite l’ordre fixe de cette diversité, c’est-à-dire la nécessité extérieure qui fait que nos perceptions n’obéissent pas à notre volonté, mais nous imposent des intermédiaires nécessaires et des chemins inévitables.

Donc l’objet donné est exprimé entièrement par cette formule : l’ordre fixe d’une diversité indéfinie de sensations possibles. Le problème de la Perception doit donc être posé en ces termes : comment est possible, pour un être percevant quelconque, la connaissance de l’ordre fixe d’une diversité indéfinie de causes de sensations[1] ?

E. Chartier.
  1. L’analyse générale de la question ainsi posée a déjà été présentée par fragments aux lecteurs de cette Revue. Nous renvoyons le lecteur d’abord au fragment 16 de Jules Lagneau et à son commentaire (Revue de Métaphysique et de Morale tome VI, mars et septembre 1898), et aussi aux dialogues I et IV de Criton (Revue de Métaphysique et de Morale, t. I et tome IV). Nous poursuivrons ici, selon la même méthode, l’analyse des difficultés particulières que présente l’étude de la perception. E. C.