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l’administration ni à la législation ; ils sont exclus des fonctions militaires. Ils n’ont donc aucune voie de communication qui les relie aux centres directeurs de la société. Inversement, ces derniers doivent être étrangers à tout ce qui concerne la vie économique. Non seulement ils ne doivent pas y prendre une part active, mais ils sont rendus indifférents à tout ce qui s’y passe. Pour cela, il leur est défendu de rien posséder personnellement ; la propriété privée leur est interdite et n’est permise qu’à la dernière classe. Dans ces conditions, magistrats et guerriers n’ont aucune raison de s’intéresser à ce que le commerce et l’agriculture prospèrent plus ou moins, puisqu’il ne leur en revient rien. Tout ce qu’ils demandent, c’est que la nourriture qui leur est strictement indispensable leur soit fournie. Et comme, dès l’enfance, ils sont dressés à haïr la vie facile et le luxe, comme il ne leur faut presque rien, ils sont assurés d’avoir toujours ce qui leur est nécessaire, sans qu’ils aient à en connaître. Ainsi, de même que l’accès de la vie politique est fermé aux laboureurs et aux artisans, à ce que Platon appelle yêvoç xsTQy.ari’jTtxdv, les gardiens de l’État, xy, 5î[/&vs( ; tt) ? ttôXecoç n’ont pas à intervenir dans la vie économique. Entre ces deux appareils de la vie de la cité, Platon met une solution de continuité. Même pour la rendre aussi complète que possible, il exige que les premiers habitent à part des seconds. Tout le personnel des services publics (civils ou militaires) devra vivre dans un camp d’où l’on puisse facilement surveiller ce qui se passe au dedans et au dehors de l’État. Ainsi, tandis que la réforme socialiste a pour objet de situer l’organisme économique au centre même de l’organisme social, le communisme platonicien lui assigne la situation la plus excentrique qui soit possible. La raison de cette séparation, c’est que, selon Platon, la richesse et tout ce qui s’y rapporte est la grande source de la corruption publique. C’est elle qui, stimulant les égoïsmes individuels, met les citoyens aux prises et déchaîne les conflits intérieurs qui ruinent les États. C’est elle aussi qui, en créant des intérêts particuliers à côté de l’intérêt général, enlève à ce dernier la prépondérance qu’il doit avoir dans une société bien réglée. Il faut donc la mettre en dehors de la vie publique, aussi loin que possible de l’État, qu’elle ne peut que pervertir.

Or, toutes les théories communistes qui ont été formulées dans la suite dérivent du communisme platonicien, dont elles ne sont guère que des variétés. Sans donc qu’il soit nécessaire de les exa-