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l’esprit, voilà bien les opérations constructives dont j’ai signalé l’importance. Je devrais donc, semble-t-il, me déclarer satisfait. Je ne le suis pas du tout. Car, d’après M. Rougier, ces opérations constructives reviennent à combiner des syllogismes. Ce que l’on construit, c’est la conséquence même qu’on veut démontrer ; c’est, par exemple, la somme des angles du triangle. Cette somme n’est pas un assemblage de syllogismes, mais un assemblage d’angles. En arithmétique et en algèbre, ce que l’on combine, ce ne sont pas des syllogismes, mais des nombres, ou des symboles qui les représentent, et des relations entre ces nombres et ces symboles » (p. xxii).

La considération mentale d’une chose singulière, exemple ou symbole, est sans doute d’une précieuse utilité pour se diriger dans l’enchaînement des propositions. M. Goblot nous dépeint à merveille l’expérience mentale, le petit drame imaginatif qui accompagne, et souvent dirige, la déduction. Réussit-il à l’incorporer dans la substance même de la déduction ? J’avoue n’en être pas persuadé. Il n’y a rien au monde de plus hétérogène que des propositions et des objets. Ces deux éléments que M. Goblot mélange me paraissent se séparer d’eux-mêmes, comme l’eau et l’huile. Ai-je été, ayant appris à séparer l’imagination de la logique, incapable de voir où elles se tiennent ? Enfin, voici ma difficulté.

Dans la géométrie élémentaire, dit M. Goblot, la construction de la figure est l’essentiel du raisonnement. Pas à la lettre : la « constatation » du théorème sur la figure une fois construite et démontrée possible peut être fort longue et reposer sur des théorèmes nombreux. Mais surtout, il n’est pas nécessaire de tracer ou d’imaginer « la figure » ; il suffit de concevoir une certaine description conceptuelle de figure, comme « une droite passant par deux points sur un cercle ». M. Goblot affirmerait-il qu’il est nécessaire de savoir tracer ou imaginer une droite pour apercevoir que les théorèmes découlent nécessairement des axiomes ? Je ne puis me le figurer. Il est nécessaire, peut-être, de s’imaginer les êtres géométriques pour être sûr que les axiomes sont compatibles entre eux, vu qu’il peut exister des êtres qui les satisfont ; mais nous n’avons pas besoin de savoir si des axiomes sont ou non compatibles pour juger si certaines conséquences en découlent correctement, puisque la contradiction entre des conséquences correctes est une preuve légitime et courante de l’incompatibilité des axiomes. Il est peut-être expédient de s’aider