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H. POINCARÉ.nature du raisonnement mathématique.

de cette étude, mais qui na plus pour nous rien de mystérieux, depuis que nous avons constaté les analogies de la démonstration par récurrence avec l’induction ordinaire.

Sans doute le raisonnement mathématique récurrent et le raisonnement physique inductif reposent sur des fondements différents, mais leur marche est parallèle ; ils vont dans le même sens, c’est-à-dire du particulier au général.

Examinons la chose d’un peu plus près.

Pour démontrer l’égalité :

(1)


îl nous suffit d’appliquer deux fois la règle

(2)


et d’écrire :



L’égalité (2) ainsi déduite par voie purement analytique de l’égalité (1) n’en est pas cependant un simple cas particulier : elle est autre chose.

On ne peut donc même pas dire que dans la partie réellement analytique et déductive des raisonnements mathématiques, on procède du général au particulier, au sens ordinaire du mot.

Les deux membres de l’égalité (2) sont simplement des combinaisons plus compliquées que les deux membres de l’égalité (1) et l’analyse ne sert qu’à séparer les éléments qui entrent dans ces combinaisons et à en étudier les rapports.

Les mathématiciens procèdent donc « par construction » ; ils « construisent » des combinaisons de plus en plus compliquées. Revenant ensuite par l’analyse de ces combinaisons, de ces ensembles, pour ainsi dire, à leurs éléments primitifs, ils aperçoivent les rapports de ces éléments et en déduisent les rapports des ensembles eux-mêmes.

C’est là une marche purement analytique, mais ce n’est pas pourtant une marche du général au particulier ; car les ensembles ne sauraient évidemment être regardés comme plus particuliers que leurs éléments.

On a attaché, et à juste titre, une grande importance à ce procédé de la « construction » et on a voulu y voir la condition nécessaire et suffisante des progrès des sciences exactes.

Nécessaire, sans doute, mais suffisante, non.

Pour qu’une construction puisse être utile, pour qu’elle ne soit pas