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revue de métaphysique et de morale.

la nutrition y est plus puissante. On s’habitue à la longue aux poisons les plus violents. Dans les affections chroniques, les médicaments perdent leur force, et il en faut changer de temps en temps[1]. Les mouvements ou les situations, d’abord les plus contraires et les plus fatigants deviennent à la longue les plus commodes, et finissent par se changer en conditions indispensables des fonctions auxquelles on les a toujours associées ; de même les aliments, l’air le plus malsain et le plus funeste deviennent, par l’habitude, les conditions mêmes de la santé[2]. La considération de l’habitude est un des éléments les plus importants de l’hygiène, du diagnostic et de la thérapeutique[3]. L’habitude ne devient nulle, ou du moins elle ne paraît le devenir que dans les fonctions les plus élémentaires de l’organisation. Mais jusqu’en ces abîmes qui semblent lui être interdits, les derniers et pâlissants rayons de la lumière qu’elle tire de la conscience, éclairent, au plus profond de la nature, le mystère de l’identification de l’idéal et du réel, de la chose et de la pensée, et de tous les contraires que sépare l’entendement, confondus dans un acte inexplicable d’intelligence et de désir.

Par le même principe et par la même analogie semble se découvrir le secret de cette vie anormale et parasite qui se développe dans la vie régulière, qui a ses périodes, son cours, sa naissance et sa mort ; est-ce une idée ou un être, ou ne serait-ce pas plutôt une idée et un être à la fois, une idée concrète et substantielle hors de toute conscience, qui fait la maladie[4] ? Ne serait-ce pas là aussi le secret divin de la transmission de la vie, comme d’une idée créatrice, qui se détache et s’isole dans le transport de l’amour pour vivre de sa vie propre, et se faire à elle-même son corps, son monde et sa destinée[5] ?

  1. Galien, De sanit. tuenda, V, 9. Hoffmann, Medic. rat. syst. II, xiv, 17. Hahn, De consuetudine (Lugd. Batav. 1751, in-4), p. 72.
  2. Hippocr. Aphor. I, 50 : Τὰ ἐκ πολλοῦ χρόνου συνήθεα, κἂν ᾖ χείρω, τῶν ἀσυνηθέων ἧσσον ἐνοχλεῖν εἴωθε. Wetzel, De consuet. circa rerum non naturalium usum (Basileæ, 1730, in-4o). Jungnickel, De consuetudine altera natura (Witt. 1787, in-4), p. 12, sqq. Hahn, De consuet., S. II. Barthez, loc. cit. XIII.
  3. Érasistr. De paral. II, ap. Galien, De consuet. I, etc.
  4. Voy. Van Helmont, De ideis morbosis, De morbis archealibus, etc. Barthez, passim. — Sydenham (Opp. init.) définit la maladie : la méthode de la nature pour expulser le principe malfaisant. Cette définition implique également l’idée morbide ; mais il faut prendre l’idée in concreto, εἶδος ἔνυλον. Voy. Stahl, V. Helmont et Barthez sur les effets des poisons, des virus contagieux et des passions violentes, qui impriment au principe vital des formes ou idées morbides correspondantes.
  5. V. Helmont, De morbis archealibus, p. 521, b.