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revue de métaphysique et de morale.

La réceptivité diminue, la spontanéité augmente. Telle est la loi générale de la disposition, de l’habitude que la continuité ou la répétition du changement semble engendrer dans tout être vivant. Si donc le caractère de la nature, qui fait la vie, est la prédominance de la spontanéité sur la réceptivité, l’habitude ne suppose pas seulement la nature ; elle se développe dans la direction même de la nature ; elle abonde dans le même sens.

Tant que l’organisation s’éloigne peu de l’homogénéité inorganique, tant que la cause de la vie est, sinon multiple et diffuse, du moins encore près de l’être, tant que les transformations en sont peu nombreuses, en un mot, tant que la puissance dont la vie est la manifestation, n’a qu’un petit nombre de degrés à parcourir pour atteindre sa fin, l’existence est à peine affranchie de la nécessité, et l’habitude y pénètre difficilement. L’habitude n’a que peu d’accès dans la vie végétale. Cependant la durée du changement laisse déjà des traces durables, non seulement dans la constitution matérielle de la plante, mais dans la forme supérieure de sa vie. Les plantes les plus sauvages cèdent à la culture :

 
…… Hæc quoque si quis
Inserat, aut scrobibus mandet mutata subactis,

Exuerint silvestrem animum, cultuque frequenti,
In quascumque voces artes haud tarda sequentur.[1]

III. Mais la végétation n’est pas la forme la plus élevée de la vie. Au-dessus de la vie végétale[2], il y a la vie animale. Or, un degré de vie supérieur implique une plus grande variété de métamorphoses, une organisation plus compliquée, une hétérogénéité supérieure. Dès lors il y faut des éléments plus divers ; pour que l’être les absorbe en sa propre substance, il faut qu’il les prépare et les transforme[3]. Pour cela il faut qu’il les approche de quelque organe qui y soit propre. Il faut donc qu’il se meuve, au moins par parties, dans l’espace extérieur. Il faut enfin qu’il y ait quelque chose en lui sur quoi les objets extérieurs fassent quelque impression, de quelque nature qu’elle soit,

  1. Virgil., Georg., II, 49.
  2. La Vie organique de Bichat, qui ne la considère que dans l’animal.
  3. Sur le caractère et le rang physiologique de ces fonctions (digestives, respiratrices, excrétives), voir Buisson,De la division la plus naturelle des phénomènes physiologiques. Je les considère ici, avec cet auteur, comme formant l’intermédiaire et la transition entre les deux vies de Bichat.