science est foncièrement expérimentale, une idée vraie scientifiquement n’est plus une idée considérée comme le portrait de la chose qu’elle représente : c’est une formule qui nous dit à quoi nous devons nous attendre si tel phénomène se produit. La loi de la chute des corps signifie que, si je lâche ce corps que je tiens dans ma main, je le verrai à terre au bout de tel temps, déterminable a priori. Comment s’opère le phénomène, de quelles actions est-il le résultat, quelle en est proprement la cause ? La science ne répond à ces questions que jusqu’à un certain point, et même en apparence seulement. Tôt ou tard elle se trouve en face d’une loi qui n’a d’autre signification que d’indiquer une certaine conjonction constante de phénomènes.
En quoi donc consiste, au juste, selon la science, la vérité de l’idée ? Elle est toute dans la propriété d’adapter la pensée de l’homme à la réalité. Une idée est une prédiction. Elle dit : Si vous êtes placé ou si vous vous placez dans telle condition, vous verrez tel phénomène se produire. L’idée vraie est celle qui prédit juste, qui, mise à l’épreuve, tient ses promesses. L’idée vraie est celle qui paie, selon le sens du mot anglais to pay, qui rend, qui donne un résultat satisfaisant.
La vérité d’une idée, dès lors, ne se détermine pas d’après son origine, ou d’après son rapport logique à tel ou tel principe : elle ne dépend que de ses effets. The truth of an idea is constituted by its workings. Vrai veut dire vérifié ou vérifiable.
Et comme la vérification est une action, l’action de quelqu’un, la vérité n’est pas une entité suspendue dans le vide, c’est une constatation que font ou peuvent faire des individus ; c’est une certaine satisfaction qui est ou peut être ressentie par des êtres tels que la personne humaine.
Divers sont d’ailleurs les objets à propos desquels l’homme peut désirer cette satisfaction. Il peut souhaiter de s’adapter aux choses à un point de vue physique : l’idée vraie, en ce cas, vise une modification matérielle des choses, et nous dit ce qu’il faut qui ait lieu pour que cette modification se manifeste. L’homme peut encore souhaiter de se représenter plus facilement et commodément, d’une manière plus conforme aux lois de son intelligence, les rapports d’un certain groupe de phénomènes : à ce désir répondent les théories scientifiques. On résumerait assez fidèlement les conditions de l’idée vraie, en définissant celle-ci : une idée qui a la faculté de nous
