Page:Revue de métaphysique et de morale - 18.djvu/908

Cette page n’a pas encore été corrigée

Quand il s'agit de l'expérience physique, on se comprend suffisamment, étant donné l’objet que l’on vise, en disant que la valeur en est établie par la comparaison de nos assertions avec les faits, comme avec une mesure existant en dehors de nous. Mais s’il s’agit des données de la conscience, il n’en est plus de même. Où est ici la dualité de l’idée et du fait, du sujet et de l’objet, qui paraît impliquée dans la notion de connaissance vraie ? On allègue, sans doute, que l’unité du sujet et de l’objet, qui caractérise la conscience, donne précisément à son témoignage une valeur unique au monde. Mais c’est se moquer que d’attribuer une valeur scientifique à une affirmation qui n’est pas vérifiable ; et, en somme, nous ne savons à aucun degré ce que sont effectivement les états dont nous avons conscience. Le mot de conscience (consciousness) n’exprime qu’une apparence subjective : c’est escience (sciousness) qu’il faudrait dire ; à savoir, modification d’un sujet pensant qui ne se saisit que comme sujet.

A plus forte raison la conscience religieuse ne porte-t-elle pas en soi la preuve de la réalité de ses objets. Comment vérifier, c’est-à-dire comparer avec une perception immédiate des choses, l’idée que se fait le croyant de la cause des altérations de sa personnalité, alors que cette cause ne peut, à aucun degré, être disjointe du sentiment subjectif de cette altération ?

La distinction de trois formes d’expérience répond aux apparences. Mais est-elle autre chose que l’indication de problèmes de plus en plus compliqués qui se posent devant la science, problèmes dont celle-ci peut ajourner la solution, mais qui, pour difficiles qu’ils soient, ne doivent pas l’induire à un abandon de l’explication mécaniste, qui serait un véritable suicide.

Non seulement donc la question de la valeur de l’expérience psychique et religieuse est inéluctable ; mais il semble qu’elle ne puisse se résoudre clairement que par la réduction de la seconde et de la troisième expériences à la première, l’expérience physique.

William James procède en cette matière comme en toutes les autres. Il va du connu à l’inconnu, du facile au difficile, en laissant d’ailleurs à ces mots la signification que leur attribue le sens commun.

Quelle est, dans l’ordre physique, la condition nécessaire et suffisante pour qu’une idée soit reçue comme vraie ? Depuis que la