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personnalité donnée une personnalité tout autre, et très supérieure ; la sainteté, qui fait paraître, dans l’homme, une perfection surhumaine ; le mysticisme, dans lequel l’homme, tout en restant lui-même, vit la vie de Dieu ; la prière, qui, par des voies spirituelles, modifie le cours naturel des choses.

Dans ces divers phénomènes, l’individu a conscience d’entrer en relation avec des puissances, conscientes et personnelles comme lui-même, mais incommensurablement supérieures à sa nature. II constate en effet que, tandis qu’il éprouve l’émotion religieuse, sa vie est agrandie, ennoblie, animée d’un enthousiasme, d’une faculté d’héroïsme et d’une certitude du succès, dont, par lui-même, il était incapable. Et il est naturellement conduit à tenir pour une conscience et une personne parente de la sienne l’être qui, de la sorte, l’entend, le comprend, le secourt, le guérit, et crée en lui une personnalité nouvelle.

Telle est la conscience religieuse : c’est la conscience s’ouvrant à Dieu.

Du même coup elle s’ouvre aux autres consciences. Incapables de se comprendre et de s’unir tant qu’ils ne croient qu’à eux-mêmes, les hommes qui se sont une fois tournés vers Dieu, peuvent, en lui, s’aimer et se pénétrer. L’univers, à ceux que n’a pas touchés la religion, n’offre que des étrangers, des gens à qui l’on dit : Vous. Toute créature, pour l’âme religieuse, est un ami à qui l’on dit : Tu. Car la religion nous fait entrer dans l’intérieur des âmes ; et en leur fond, les êtres veulent Dieu, le bien et l’amour.

Si donc l’expérience psychologique a un champ de perception infiniment plus large que l’expérience physique, l’expérience religieuse, à son tour, déborde infiniment l’expérience psychologique. Celle-ci ne s’étendait qu’au contenu total d’une personnalité repliée sur elle-même : l’expérience religieuse voit cette personnalité agrandie et enrichie à l’infini, par un rapport de pénétration qui s’établit entre elle et des personnalités supérieures.

Irréductible à l’expérience psychologique, l’expérience religieuse en est-elle séparée ? S’y superpose-t-elle du dehors, comme un étage à un étage ; où ces deux expériences s’emboîtent-elles, en quelque sorte, l’une dans l’autre, comme les tubes d’un télescope ?

Il en est, semble-t-il, du rapport de l’expérience religieuse à l’expérience psychologique comme du rapport de celle-ci à l’expérience physique : ces deux expériences se recouvrent en partie. De