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désagrégée, cette hypothèse peut sembler suffire ; et les psychologues de la conscience claire ne désespèrent pas de dériver de celle-ci même, en dernière analyse, tout le contenu de cette conscience obscure et marginale. A vrai dire, on peut se demander si ceux qui prétendent tenir cette gageüre ne s’abusent pas parfois, comme il arrive au physiologiste qui croit réduire exactement au mécanisme les réflexes inférieurs. Mais il devient tout à fait impossible de se contenter d’une explication tirée de la psychologie proprement dite, ou analyse de la conscience personnelle, lorsqu’on a affaire à certaines altérations de la personnalité, où celle-ci apparaît, non seulement comme modifiée, mais comme démesurément grandie et transfigurée, telles qu’en présente l'histoire des âmes religieuses. Et l’on est réduit, si l’on veut tenter l’explication de ces phénomènes par les seuls principes dont dispose la psychologie normale, soit à nier les faits, soit à les mutiler ou à les déformer. Or, de même que le psychologue, étouffant dans la prison où l’enfermait la physiologie, s’est ouvert un champ d’études immense en posant délibérément en principe l’existence d’une expérience proprement psychologique ; de même il se peut qu’en s’installant au cœur de la vie religieuse, au lieu de la regarder du dehors, à la manière de l’anatomiste qui dissèque un cadavre, le philosophe se rende compte de l’existence distincte d’une troisième expérience, qu’on appellerait l’expérience religieuse. Il importe de considérer que tel phénomène psychique, que l’on ne réussit pas à composer avec la multitude sans nombre des éléments psychiques qui le déterminent, s’explique immédiatement, si l’on admet la réalité de cette forme d’existence que l’on appelle la conscience : tout de même que le fait physique du mouvement, qu’on est réduit à nier si l’on n’admet que le discontinu arithmétique, devient aussitôt réel, si l’on pose comme valable l’intuition expérimentale du continu. Il serait donc antiphilosophique, en présence de phénomènes que les hypothèses de nos sciences constituées ne suffisent pas à expliquer, de se refuser à chercher des voies nouvelles et à éprouver de nouvelles hypothèses.

Les altérations de la personnalité que nous offre la vie religieuse sont, en ce sens, étudiées par William James directement, du point de vue de l’âme religieuse elle-même, dans le célèbre livre : The Varieties of Religions expérience Study in Human Nature, publié en 1902.