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qui la voit dériver, par différenciation et fixation contingentes, d’une réalité plus vaste et plus mouvante fournie par la conscience. Est-ce à dire que la psychologie ait affaire à la réalité totale et pleinement réelle, où les choses se montrent exactement telles qu’elles sont ? Si la physiologie avait ses postulats, lesquels trouvent en partie leur explication dans la psychologie, celle-ci, à son tour, ne peut se flatter de n’admettre que ce qu’elle-même prouve et comprend. La psychologie est dans une situation analogue à celle des autres sciences. Elle se construit à l’aide d’éléments dont elle a une intelligence suffisante, étant donnée la tâche qu’elle a en vue. Ses postulats ont, à son point de vue, toute la clarté et toute la certitude qu’elle réclame. C’est ainsi qu’un astronome peut s’avancer jusqu’à un certain point dans l’explication des phénomènes célestes en admettant que le soleil tourne autour la terre. Mais à mesure que s’étend le cercle des recherches, il devient visible que tel axiome apparent n’était qu’un postulat, et que le sens même de ce postulat se modifie, lorsqu’on le confronte avec une réalité plus profonde et plus large.

Les data de la psychologie sont, peut-on dire, les deux suivants : 1° l’existence des pensées et des sentiments, selon les noms que nous donnons à nos états de conscience transitoires ; 2° la connaissance, à l’aide de ces états de conscience, de choses autres que ces états eux-mêmes. Or si le psychologue peut cultiver une partie considérable de son domaine sans scruter ces data, et en se contentant de les définir sommairement avec une clarté relative, des questions se présentent tôt ou tard, pour qui suit la réalité où elle le mène, qui ne permettent plus de fermer les yeux sur les obscurités intrinsèques de ces symboles. Le psychologue qui ne mesure pas la légitimité et la signification des problèmes à son actuelle capacité de connaître, mais à la nature des choses, se voit, quelque jour, en face de questions telles que : la relation de la conscience au cerveau, la relation des états mentaux à leurs objets, le caractère mouvant de la conscience, la relation des états de conscience à un sujet connaissant. Et non seulement il ne peut résoudre ces questions avec les seules ressources que la science faite lui offre, mais les solutions mêmes qu’il a obtenues dans ses recherches antérieures ne lui apparaissent désormais que comme relatives et provisoires. En sorte que, si une physiologie qui voit telles qu’elles sont les énigmes du monde biologique avoue qu’elle ne peut se suffire, il en est de même d’une psychologie qui veut non adapter à ses cadres la réalité