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WILLIAM JAMES

L'illustre philosophe américain enlevé le 26 août dernier à sa patrie et au monde, le professeur William James, était si remarquable comme homme, indépendamment de ses doctrines, qu'il serait du plus grand intérêt d'étudier pour elle-même sa vie intérieure, son âme, son caractère, son esprit, sa parole et son style, en un mot sa personnalité. Puisse le grand écrivain Henry James, son frère, à qui hier encore il prodiguait un admirable dévouement, tracer avec son cœur, sa puissance d'analyse et son art, ce précieux portrait ! Il nous aiderait grandement à comprendre la doctrine du philosophe. Car si, chez certains hommes, la personne et l'œuvre sont très réellement séparables, en sorte que, pour bien entendre celle-ci. il convienne, sinon de se passer, du moins de se défier des indications que l'on peut tirer de celle-là, il en est tout autrement de William James. Ce ne serait rien de dire qu'il a vécu sa philosophie : il professait que la philosophie a sa racine dans la vie, non dans la vie collective ou impersonnelle, abstraction d'école, selon lui, mais dans la vie concrète de l'individu, la seule qui existe véritablement. Et, comme la fleur se flétrit lorsqu'elle est détachée de sa tige, la philosophie devait, pensait-il, jusque dans ses plus hardies spéculations, conserver son attache avec l'âme individuelle du penseur, si elle ne voulait dégénérer en un vain assemblage de mots et de concepts, sans contenu réel.

Si nous ne pouvons songer, quant à nous, à faire revivre la belle figure de William James, essayons du moins de noter quelques traits de sa physionomie; surtout abandonnions-nous de bonne grâce à l'impression si vive qu'elle produit sur qui l'approche, de manière à communier avec lui par la sympathie, et à être à même, par là, de voir en quelque mesure dans l'intérieur de son âme.