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l’intelligence de l’ordre fondamental du monde. C’est pourquoi, si nous trouvons et indiquons plusieurs causes possibles des solstices, des couchers, des levers, des éclipses et des autres choses de ce genre, ainsi que cela a lieu pour les faits particuliers que nous observons sur la terre, (80) il ne faut pas croire pour cela que notre besoin de connaissance relativement à ces choses n’a pas été pleinement satisfait, autant qu’il importe pour notre ataraxie et notre bonheur. Par conséquent, il faut considérer de combien de façons peuvent se produire les faits qui se passent sur la terre et sous nos yeux, puis partir de là pour indiquer les causes des phénomènes célestes qui leur ressemblent et, en général, de tous les faits invisibles qui ressemblent aux visibles. Nous mépriserons ceux qui ne connaissent pas les choses dont il n’y a qu’une explication unique et celles qui en comportent plusieurs, ceux qui, par suite des distances, ne savent pas voir comme il faut les phénomènes célestes, ceux qui ignorent quelles sortes d’explications sont insuffisantes pour procurer l’ataraxie. Si donc nous concevons qu’un phénomène puisse, outre une certaine cause, en avoir encore une certaine autre, qui suffise au même degré à assurer l’ataraxie, cette connaissance même de la possibilité de plusieurs explications nous procurera l’ataraxie tout aussi bien que si nous savions que le phénomène a lieu pour telle raison et non autrement. (81) La réflexion qu’il importe le plus de faire sur tout cet ordre de faits en général, c’est que le trouble le plus grand que puisse éprouver l’âme humaine provient, en premier lieu, de ce que l’on considère les astres comme des êtres bienheureux et immortels, pendant que, d’autre part, on leur attribue des volontés, des actions et des opérations opposées à la béatitude et à l’immortalité ; et qu’il provient, en second lieu, de ce qu’on redoute sans cesse comme assurée ou comme possible, quelque peine terrible et éternelle, telle qu’il y en a dans les mythes, qu’on redoute même jusqu’à l’insensibilité de la mort, comme si celle-ci avait quelque rapport avec nous, éprouvant toutes ces affections en conséquence, non d’opinions mûries, mais de sentiments irréfléchis, de sorte que, quand on n’a pas défini ce qui est à craindre, on ressent autant ou même plus de trouble que ceux qui se sont fait des choses à craindre une juste opinion. (82) L’ataraxie consiste à être délivré de toutes ces craintes, en conservant constamment le souvenir des vues d’ensemble et des doctrines principales que nous avons enseignées sur la nature.