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E. Chartier.Éléments de la représentation par Hamelin.

la dernière, qui pénètre et vivifie les autres. Si l’on ne comprend pas cette manière de définir, c’est que l’on veut construire avec les idées comme si c’étaient des choses ; tout est alors extérieur à tout, en sorte que rien ne peut impliquer rien ni même exclure rien si un tout des choses n’est pas d’abord absolument posé. Mais, dans la pensée, tout est ensemble : toute pensée est à la fois distinction et union, raisonnement et intuition[1]. Ce qui est défini par rapports extrinsèques ne peut être qu’un point, et le matérialisme veut faire de l’être avec du non-être ; ce qui est défini par rapports intrinsèques ne peut être que tout pour quelqu’un. Mais ce tout pour quelqu’un ne peut être par raisons tirées de quelque chose hors de lui ; car le hors de lui est encore en lui ; il faut done quelque chose d’arbitraire dans cette existence, et qui se joigne coûte que coûte au tissu des rapports nécessaires, nombre, temps, espace, genres, causes et fins, qui font qu’un monde est représenté. Voilà ce que la réflexion errante devait au moins pressentir, qu’il doit y avoir quelque contingence au cœur même de l’existence, et quelque liberté qui fasse être la nécessité. Le difficile était d’expliquer en quel sens, et la dialectique synthétique devait, mieux que toute autre méthode, y conduire. À vrai dire, et bien avant qu’on puisse lui donner son nom, l’action fait sentir sa présence dans tout ce travail de construction ; on y voit, si l’on regarde bien, la Liberté à l’œuvre, la Liberté créant la Nécessité, et non pas en paroles, puisqu’elle va d’un opposé à l’autre, séparant et unissant les contraires, tissant les idées en quelque sorte en une trame serrée, dans laquelle pourtant l’ouvrière n’est jamais prise. Tous ceux qui ont analysé la pensée sont arrivés à défaire et à recomposer sous nos yeux un tissu de rapports nécessaires ; mais il restait toujours à dire que la pensée actuelle n’était plus dans ces rapports immobiles ; ils représentaient bien plutôt pour elle un poids à trainer, un objet hors d’elle ; car la connaissance de la nécessité était alors la vraie pensée, et celle-là, bien loin de pouvoir être reconnue et nommée parmi ces formes entrelacées, au contraire s’opposait comme sujet à cet objet ; ou bien, alors, cette pensée elle-même, considérée comme terme du rapport sujet-objet, devenait objet à son tour, la vraie pensée, la pensée en acte, consistant à penser ce rapport, en s’opposant à lui. Ainsi il fallait bien admettre que la conscience n’est possible que si,

  1. P. 368.