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E. Chartier.Éléments de la représentation par Hamelin.

à cette intuition le caractère d’une nécessité invincible, quoique inexplicable, ce qui revient à poser la Raison comme un fait humain, ou bien que, nous mettant à l’école de Hume, nous rattachions cette perception simplifiée à des expériences concordantes suggérées par les plus pressants besoins et unifiées par l’industrie humaine, l’invention des sciences suivant alors l’invention des outils. De toute façon nous sommes ramenés à l’empirisme ; il n’y a plus ni nécessité ni Raison ; et la dialectique, dans la Mathématique comme ailleurs, n’est plus qu’un langage. Telle est la pente où sont entraînés les esprits en ce temps, même ceux qui, dans la pratique des mathématiques, restent rationalistes et usent avec confiance de ce mécanisme, qu’ils disent purement verbal, comme si nécessité était vérité. Aussi voyons-nous que les plus puissants esprits luttent perpétuellement contre eux-mêmes, et tantôt sont empiristes contre les rationalistes, tantôt au contraire, pensant par bonds ; tantôt dans les airs comme des génies, tantôt par terre et jouant avec des cailloux, comme de tout petits enfants ; tantôt revenant aux théories comme à leur patrie préférée, tantôt se condamnant à ne rien apprendre que de l’expérience ; mais, pour finir, retombant toujours dans le ciel.

Il fallait pourtant chercher où est le ressort caché de cette dialectique si justement et si inutilement décriée ; il fallait voir, en d’autres termes, si la géométrie sans figures est condamnée à n’être qu’un langage, et si les concepts ne peuvent décidément être reliés les uns aux autres que par des faits et dans l’expérience. Or, la dialectique de notre auteur a cela de nouveau, comme on a pu déjà l’entrevoir, qu’elle échappe à la critique de Kant, puisqu’elle prétend être à la fois purement logique et réellement synthétique. Par dialectique, nous voulons toujours entendre déduction, c’est-à-dire analyse[1] ; au contraire par dialectique il faut entendre construction, c’est-à-dire progrès véritable, passage véritable d’une notion à une autre notion. D’une marche dialectique de ce genre, la géométrie devait nous donner quelque idée, car il y a dans la géométrie deux dialectiques très différentes, et qui sont continuellement mêlées l’une à l’autre. L’une n’est qu’analyse des notions, et, par conséquent, discours cohérent, sans rien de plus ; lorsque le parallélogramme est posé, toutes les propriétés du parallélogramme sont

  1. P. 19-24.