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exprimé et l’autre un nouveau lui-même en tant que représentation expressive du premier. Il s’ensuit que former l’idée de l’être ce serait le créer ; conséquence absurde, l’être ne se concevant qu’éternel, aussi incapable de sortir du néant que d’y retourner.

Si le moi ne peut pas connaître son être, son propre substratum, à plus forte raison ne peut-il connaître celui du non-moi.

V
Conclusion du présent chapitre.

L’analyse précédente de la connaissance humaine m’a conduit à des résultats qui intéressent la question que je traite et que je vais consigner pour justifier mes assertions postulatives du chapitre précédent (v. chapitre iv in fine).

Je ne peux connaître un objet, m’en faire une idée qu’autant qu’il existe quelque chose de commun entre cet objet et ce qui est apte en moi a la conscience, et il faut d’abord qu’il communique avec cette part de moi affectée à prendre conscience, à sentir et à penser ; il faut qu’il la rencontre, en un mot qu’il l’impressionne. Si ce qui sent et pense en moi était exclusivement psychique, l’impression et, par suite, la connaissance des choses physiques me seraient impossibles. Aussi est-ce grâce à mes nerfs sensitifs, grâce à système cérébro-spinal, où le psychique et le physique s’identifient, que je puis connaître les trois dimensions et la pesanteur, par exemple. Ainsi je possède un organe d’expression qui me permet de me représenter les caractères des choses physiques, aussi bien que des choses psychiques, par ceux de mon propre substratum. Ces représentations expressives sont les idées ; elles sont spécialement des notions quand l’activité mentale n’y introduit rien qui ne corresponde intégralement et exactement à une donnée du monde existant, en un mot rien d’arbitraire.

Nous avons constaté que l’idée n’est pas capable de représenter l’être des choses, de leur support métaphysique, mais par cela même qu’elle se définit par la propriété de représenter expressivement les événements et leurs rapports, c’est-à-dire ce par quoi les principes actifs, quels qu’ils soient, se manifestent dans l’espace et dans la durée, il n’y a rien en elle qui ne participe de quelque réalité interne ou externe, soit intégralement et exactement, soit en