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SULLY PRUDHOMME. psychologie du libre arbitre.

qui est spirituelle ; à coup sûr, s’il n’y avait rien de commun entre celle-ci et celle-là, l’écriture serait impossible.

III
Formes objectives du moi conscient.

Toutes les représentations expressives du monde extérieur dans la conscience ne requièrent pas une impression préalable faite par le premier sur le psychique. Le fond commun dont j’ai parlé met en communication immédiate et permanente l’un avec l’autre ; ainsi l’espace trouve dans le sens de la vue une représentation expressive qui est innée et permanente, à savoir le champ visuel, et le fond commun aux deux est le système des dimensions sauf une : la largeur et la hauteur appartiennent à la fois à l’espace et au champ visuel ; quant à la profondeur, elle n’est pas exprimée par ce dernier : c’est (je l’ai déjà rappelé) le sens du toucher qui seul la révèle par la conscience d’un certain déplacement du point de contact. Ce qui permet d’attribuer (utilement quoique indûment) la profondeur au champ visuel, c’est une concomitance habituelle de la perception tactile de profondeur avec une dégradation dans la vivacité des couleurs.

La mémoire fournit un autre fond commun à la connaissance objective : elle est affectée à la conscience de la durée. Les événements se situent dans le champ mnémonique comme des points sur une ligne droite, grâce à la mystérieuse vertu qu’elle a de permettre la représentation du passé sur le plan du présent.

En résumé, l’espace et le temps, qui sont les milieux où entrent en relation toutes les choses qui tombent sous l’observation externe par leur impression sur les sens, trouvent, avant même que nulle impression de ce genre n’ait été opérée, leurs représentation expressives respectivement dans le champ visuel, dans le champ tactile et dans le champ mnémonique, mais à l’état encore inconscient. Elles demeurent dans cet état jusqu’à ce que l’impression d’événements extérieurs au moi en éveille la conscience par une sensation particulière de la vue et du toucher et par le souvenir qu’ils laissent ; ce sont des formes de la sensibilité qui s’offrent vides et ne deviennent conscientes qu’en se remplissant. Je ne recenserai pas toutes les formes de l’expérience, je citerai seulement un