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même, qui suggère une perception spontanée, irréfléchie, jusqu’à la conscience la plus attentive de ce grongement. L’activité mentale se manifeste, en effet, d’abord par l’attention, effort par lequel l’esprit s’applique à recevoir intégralement l’impression et, en général, à opérer avec toute la puissance dont il dispose ; puis son activité se manifeste par son opération même sur les données sensibles accueillies par lui.

Les synthèses formées arbitrairement par l’activité mentale, c’est-à-dire avec des données sensibles simples ou complexes entre lesquelles l’esprit établit des rapports qui ne sont pas ceux que lui imposent les impressions, ne sont pas, en réalité, des perceptions ; ce sont des produits de l’imagination créatrice, aptitude commune à tous les penseurs, mais spécialement développée chez les penseurs de génie et chez les artistes de toutes sortes. Ces synthèses sont fournies par des sensations et des perceptions antérieurement acquises et passées à l’état mnémonique, à l’état de souvenirs.

Remarquons que le substratum immédiat des souvenirs, ce qu’on appelle le champ de la mémoire, n’est pas le même que les substrata immédiats des perceptions sensibles : par exemple, le champ de la mémoire, quand il est occupé par des souvenirs de figures colorées, ne se confond pas avec le champ visuel. Néanmoins le premier doit partager avec le second tous les caractères requis pour le représenter, au même titre que les souvenirs des figures colorées représentent celles-ci, c’est-à-dire par identité de caractères. Il s’ensuit que le champ de la mémoire et les souvenirs expriment le champ visuel et les figures colorées tout comme les perceptions visuelles expriment l’espace[1] et les objets qui impressionnent la rétine. La perception visuelle d’un objet extérieur en est donc une image au premier degré, et le souvenir de cette perception visuelle est une image, au second degré, du même objet. Il en est ainsi des autres sortes de perceptions sensibles.

Ce n’est pas tout encore pour qu’il y ait à proprement parler connaissance : un état conscient n’est une notion qu’autant que le sujet a conscience de l’impression comme d’une action exercée sur lui par un agent dont il se dislingue, qui fasse naître en lui, plus ou moins formulée, l’affirmation du moi en opposition à un monde extérieur, à un non-moi. J’ai dit plus ou moins formulée, j’ajoute :

  1. Excepté la profondeur, qui n’est visuellement perçue que grâce au concours du toucher, comme je le rappellerai explicitement plus loin.