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SULLY PRUDHOMME. psychologie du libre arbitre.

Une pareille représentation est, à proprement parler, expressive de la chose représentée, elle en est l’expression[1].

C’est ce caractère expressif qui confère à certaines représentations la qualité de notions ; elles renseignent en effet sur leurs objets par ce qu’elles ont de commun avec eux.

La notion suppose plusieurs facteurs qui en complètent la définition.

Elle suppose d’abord dans le sujet une aptitude spéciale, l’aptitude à entrer dans l’état indéfinissable qu’on appelle conscient. Or, pour y entrer il faut d’abord qu’il y ait communication entre le sujet et l’objet. Il faut donc que ces deux termes du rapport qui engendre la notion participent d’un troisième qui leur soit commun puisque c’est ce qu’ils ont de commun qui fournit au sujet de quoi former la représentation expressive de l’objet.

Mais ce n’est pas assez de poser un sujet apte à connaître et un fond commun entre lui et un objet de connaissance pour qu’il y ait notion du second dans le premier. Encore faut-il que l’état conscient soit déterminé dans le sujet par quelque action exercée sur lui par l’objet et qu’il réagisse contre cette action ; encore faut-il, autrement dit, qu’il reçoive et sente une impression de l’objet et que des sensations nées de l’impression il fasse une synthèse qui le lui représente, en un mot une perception.

L’activité mentale employée à la former est plus ou moins grande depuis l’acceptation presque passive du groupement des sensations élémentaires (points, tactiles, couleurs, sons, etc.), par l’impression

  1. Les mathématiciens disent d’une formule algébrique représentant un rapport ou un système de rapports entre des grandeurs ou des positions qu’elle en est l’expression. Bien que les signes algébriques des rapports et de leurs termes soient de purs symboles, néanmoins ce mot, dans leur langage si précis, justifie et confirme l’usage que j’en fais ici, car ils ne l’appliquent pas aux signes mêmes ; ce sont, en effet, des signes tout conventionnels. Aussi ne disent-ils pas : « Les grandeurs exprimées par les signes et  » car elles ne sont que représenté arbitrairement par ces signes graphiques ; ils ne disent pas : « La grandeur exprimée par la disposition des lettres et au-dessus et au-dessous du trait —, car cette disposition et ce trait ne constituent qu’un symbole arbitrairement représentatif de la division de la grandeur par la grandeur . Mais ils disent : « Le rapport de ces deux grandeurs exprimé par  » parce que la division de la première parla seconde n’est plus arbitraire pour représenter leur rapport. En effet cette division opérée mesure l’une au moyen de l’autre prise pour unité et par là leur applique la définition même du rapport mathématique, ce qui est par excellence exprimer celui qu’elles soutiennent entre elles.