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l’un des termes exclut totalement celui de l’autre, n’a rien qui permette de le constituer. Pour que deux choses soient dites contraires, il ne suffit pas que l’une soit simplement la négation de l’autre, car si chacune n’était que cela aucune ne poserait rien ; or un contraire est quelque chose de positif.

En résume, l’idée de l’indépendance absolue, c’est-à-dire d’une activité exempte de toute condition nécessitante, existe dans l’univers, et elle n’a pu se former que si une telle activité y existe réellement. Ma propre activité psychique, sous le nom de couloir, est cette activité même ou, du moins, en participe, et l’indépendance absolue dont elle jouit se révèle à ma conscience spontanée sous le nom de libre arbitre.

Il importe de remarquer que la réfutation précédemment opposée aux partisans de la nécessité n’a de portée efficace, ne saurait aboutir à une preuve du libre arbitre qu’à une importante condition : il faut admettre que l’idée d'une chose implique les caractères propres à cette chose, les caractères qui la définissent. Or, si évident que cela paraisse tout d’abord, le doute à cet égard n’est pas sans apparence de fondement. On a, par exemple, l’idée d’un kilogramme ; or, en examinant ce qui constitue cette idée, en examinant d’abord son substratum, c’est-à-dire la donnée immédiate dont elle est une modification, on reconnaît que ce substratum est de nature psychique. Il n’implique donc, dira-t-on, rien de la pesanteur, et l’on en conclura qu’il n’a pas de caractère commun avec un poids, qui est de nature physique, et par conséquent ne saurait comporter aucune modification psychique. Ne voilà-t-il point un cas où il semble bien que l’idée d’une chose n’implique pas le caractère propre à cette chose ?

Il m’incombe de lever cette difficulté, de montrer qu’elle n’est qu’apparente et résulte d’une analyse incomplète de la nature de l’idée. Je me sens dès lors tenu de reprendre cette analyse, non pas, certes, dans tout le détail que comporterait une théorie générale de la connaissance, mais uniquement à mon point de vue, dans la seule partie qui intéresse directement ma démonstration.