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effet, souvent très compliqués, ne sont pas purement mécaniques, bien qu’automatiques ; ils ne sont pas assimilables à des résultantes de mouvements combinés, comme le sont, par exemple, les effets, au billard. Quand je marche en méditant, sans me tromper de chemin, aucun de mes pas n’est une résultante de directions et une somme de vitesses, car la vitesse et la direction de ma marche présente sont indépendantes de celles de mes marches antérieures ; et quand j’ai appris à marcher, les facteurs direction et vitesse étaient conditionnés uniquement par ma pensée et ma volonté conscientes. Mais, s’il en est ainsi, qu’est-ce que peut bien être une idée inconsciente, comme celle qui dirige mes pas par l’intermédiaire de ma volonté ? Une pareille idée, si inconcevable qu’en soit la nature, existe cependant ; sa réalité est si peu contestable que son type nous est fourni dans le souvenir latent, sujet à reviviscence. Une idée à l’état de souvenir latent est un fait identique à celui que nous examinons, un fait réel qui nous oblige à reconnaître que la conscience n’est pas essentielle à la pensée. Nous touchons là au moment critique d’une transformation capitale qui nous semble contradictoire, parce qu’elle est d’ordre métaphysique, mais n’en est pas moins réelle, et cette transformation nous procure une ouverture sur le concours de l’intelligence à la genèse universelle, à condition de prêter au mot intelligence un sens catégorique, beaucoup plus étendu que celui qui nous est fourni par la conscience humaine, et de nous résigner à ne pas comprendre ce sens d’une manière adéquate, à ne pas voir distinctement ce que nous dénommons. Qu’est-ce sinon la pensée inconsciente, reconnue, non plus comme cérébration humaine, mais comme fonction de l’énergie potentielle primordiale génératrice de tout le monde phénoménal (pensée plus inaccessible encore à notre intuition, et soustraite à toute définition en tant que genre premier), qui détermine, chez les animaux, au moyen de la force musculaire, les réflexes protecteurs ? Qu’est-ce sinon elle qui, dans les deux derniers exemples cités plus haut, provoque l’abaissement de la paupière dans l’intérêt de la vision et peut-être, au moyen de la force organique propre à la végétation, oriente le feuillage dans l’intérêt de celle-ci ? Cette pensée inconsciente, requise pour distinguer du simple mouvement mécanique le mouvement réflexe et lui conférer son caractère spécial physiologique, induit enfin à attribuer un sens de même ordre aux mots irritabilité, excitabilité. Ce qui correspond à ces mots est, en effet, le caractère fondamental de la