Page:Revue de métaphysique et de morale - 14.djvu/560

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
494
revue de métaphysique et de morale.

n’est certainement pas identique à ce qui fait graviter les corps, et néanmoins, dans l’idée d’un corps qui tombe, il faut bien que la pesanteur soit représentée. Or, comment le peut-elle être, sinon par un similaire psychique où elle soit intégralement reconnaissable ? Ce similaire ne saurait être simplement la pesanteur atténuée, car, d’une part, elle ne serait point alors passée à l’état psychique, et, d’autre part, un poids d’un kilogramme, par exemple, devrait être représenté par un poids atténué, c’est-à-dire par un moindre poids, conséquence contraire à la définition même de la représentation. Comment donc la pesanteur, telle qu’elle est dans les corps, devient-elle ce qui la représente dans la pensée ? C’est le mystère le plus déconcertant pour l’esprit humain ; mais cette transfiguration n’en est pas moins réelle comme l’idée même de la pesanteur. Cette réalité est métaphysique ; nous ne devons donc pas nous étonner qu’elle ne puisse être formulée dans l’entendement de l’homme que par une proposition contradictoire. C’est à l’état phénoménal, et non potentiel, que le physique et le psychique nous semblent irréductibles l’un à l’autre. Si nous pouvions nous identifier au substratum commun du psychique et du physique, nous saisirions immédiatement leur unité et nos concepts incompatibles se résoudraient en intuitions.

Il y a donc dans la formation de l’idée de force passage de l’état physique à l’état mental. Dans ce processus qui commence par une impression mécanique sur le nerf sensitif afférent au toucher et finit par la représentation psychique de cette impression, il n’y a pas de solution de continuité. Remarquons que toutes les sensations sont déterminées par une impression dynamique d’origine physique ou chimique, et doivent en participer ; c’est ce qui leur permet d’être expressives du monde extérieur ; mais, excepté la sensation tactile, elles ne sont pas intégralement dynamiques. Le son, la couleur, l’odeur, la saveur sont dynamiques seulement par leur intensité et leur vivacité ; ces sensations ne le sont point par leurs qualités spécifiques, par celles qui distinguent chacune des autres.

3o Tout processus dérivant d’un état passionnel qui détermine le vouloir à susciter et diriger un acte de la force musculaire atteste l’identification du psychique et du physique, car il est composé de données psychiques et de données physiques en communication les unes avec les autres dans un certain ordre. Les psychologues physiologistes et les psychologues de l’ancienne école (qui ne se