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SULLY PRUDHOMME. psychologie du libre arbitre.

Le degré où le psychique se rapproche le plus du physique, au point d’en être indiscernable, est celui dont l’exemple nous est fourni par l’effort musculaire. Remarquons que l’effort est psychique aussi bien dans le déploiement de la force musculaire que dans l’attention, car dans le premier cas comme dans le second il suppose l’exercice de la volonté. Or, dans le premier cas, la volonté communique avec l’énergie mécanique par une initiative à la fois volontaire et dynamique. Il faut, en effet, que cette initiative soit d’ordre dynamique, sinon il ne pourrait rien y avoir en elle qui lui permit d’établir la communication de la volonté avec l’énergie musculaire, au point et au moment où elle entre en relation avec celle-ci, le psychique devient indiscernable du physique.

Le phénomène si subtil de l’expression offre un exemple aussi remarquable d’identification du physique et du psychique ; il est impossible de les discerner l’un de l’autre dans la physionomie d’un homme qui rit ou qui pleure. Le facteur psychique s’y trouve intimement confondu avec le physique ; ils y sont deux caractères absolument identiques. Le langage, né de l’observation spontanée, en fait foi ; on dit : profondeur, élévation de la pensée : largeur, hauteur des vues intellectuelles, jugement ferme, raisonnement solide, et aussi douleur morale profonde, aiguë. Les qualificatifs dans sombre tristesse, noir chagrin, amer regret, ne sont pas à citer ici, parce qu’ils n’expriment pas le monde extérieur et ne sont pas objectifs ; ils n’ont de caractères identiques et par là expressifs qu’avec les qualités purement subjectives des sensations.

Entre les deux degrés extrêmes de l’assimilation du psychique et du physique l’on en pourrait relever d’autres qui en marquent les étapes :

1o Ce qu’on appelle le champ visuel est de l’étendue à deux dimensions à l’état psychique ; seul le concours du toucher et de la vision permet d’interpréter la dégradation des tons comme signe de la troisième dimension et de localiser l’horizon. L’étendue visuelle représente l’étendue objective, l’espace, et cependant, si elle s’y localisait, elle y tiendrait toute en un point, et le point n’est pas étendu. Étrange contradiction imposée à l’esprit humain par la métaphysique.

2o L’énergie mécanique à l’état d’énergie volontaire quand, par exemple, je tends volontairement le bras ; la première existe, en outre, à l’état mental, dans l’idée que l’esprit en forme. Ce qui pense