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SULLY PRUDHOMME. psychologie du libre arbitre.

trois grandes divisions communément appelées le règne minéral, le règne végétal et le règne animal dont l’homme occupe le degré supérieur ; mais leurs substrata, ce qu’ils empruntent respectivement à cet être universel pour relier et soutenir leurs caractères propres, pour les synthétiser en unités distinctes, cela échappe aux prises de l’intelligence humaine. Celle-ci, spéculant sur les données sensibles de ces trois règnes, croit pouvoir rapporter leurs substrata a deux espèces d’êtres métaphysiques qui seraient irréductibles l’une à l’autre, mais dont, à vrai dire, la séparation est douteuse et qui, en dernière analyse, apparaissent comme deux manifestations diverses d’un même être fondamental, deux manières d’être de cette unique donnée première. Ce qu’on nomme la matière et ce qu’on nomme l’esprit ne seraient, selon certains métaphysiciens, qu’une seule et même substance. Les matérialistes et les spiritualistes sont jusqu’à présent irréconciliables, de sorte qu’on peut affirmer que l’objet métaphysique est livré aux disputes des hommes. Or, dans tous les individus, cet objet, bon gré, mal gré, s’impose, sous leurs enveloppes phénoménales, à la sonde des observateurs. Les uns peuvent se contenter d’en reconnaître l’existence et ne s’en plus occuper, comme font les savants fidèles à la méthode de Bacon, les autres peuvent au contraire en faire l’unique et décevant objet de leurs études ; dans l’un et l’autre cas il suscite des jugements contradictoires, et bien que les savants positivistes se flattent d’échapper à ses pièges, ils y tombent à leur insu parce qu’ils font inconsciemment plus ou moins de métaphysique.

À cet égard je prie le lecteur de me permettre une citation tirée d’un de mes écrits. Dans mon petit livre sur le problème des causes finales auquel j’ai déjà fait un emprunt dans mon avant-propos, j’ai précisément, à la page 160 et suivantes, examiné la distinction généralement admise de la matière et de l’esprit, du physique et du psychique, relevé ce qu’elle a d’incertain et aussi ce que la spéculation sur l’objet métaphysique, d’où ces deux entités ont pris leur origine, engendre de jugements contradictoires. Je préfère me répéter plutôt que de renvoyer le lecteur à mon opuscule.

VII

…… Plus deviennent inférieurs les degrés que nous considérons sur l’échelle des organismes, plus il nous est difficile de nous