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SULLY PRUDHOMME. psychologie du libre arbitre.

Jugements contradictoires sur l’objet métaphysique.
I

Puisque le périssable existe dans et par l’impérissable reconnu nécessaire, il y a quelque chose de commun entre l’un et l’autre. Or, d’une part, cette donnée commune, en tant que partie intégrante du périssable, n’existe pas nécessairement, mais, d’autre part, en tant que partie intégrante du nécessaire, existe nécessairement : conclusion contradictoire.

Les métaphysiciens semblent n’avoir éprouvé aucun embarras à faire dériver le périssable de l’impérissable, les modifications, les accidents, les contingents de L’être nécessaire, de la substance. Il m’est, pour moi, impossible de concevoir comment le monde changeant se greffe sur son dessous immuable, ou plutôt comment il en procède. Les changements ne sont pas essentiellement inaccessibles à mon expérience soit externe, soit interne, mais l’être métaphysique l’est dans sa nature intime à mon intelligence. Il s’ensuit que je ne peux porter sur les rapports que le monde des changements, le monde accidentel ne soutient avec lui que des jugements dont l’infirmité se manifeste par la contradiction qu’ils impliquent. En voici des exemples.

II

D’après le peu que nous en pouvons percevoir par l’observation, tant interne qu’externe, nous constatons que l’Univers n’est pas, un seul moment, tel qu’il était au moment précédent, c’est-à-dire n’affecte pas dans le second l’état qu’il affectait dans le premier : le déplacement ininterrompu de la terre suffirait à en témoigner. Cette différence entre ses deux états immédiatement consécutifs est ce que j’ai appelé un changement.

Ce mot est souvent pris dans un sens plus large : on l’applique à la différence constatée entre l’état d’une chose à un moment passé et son état à un moment postérieur, séparé du premier par un intervalle de temps fini, et ce qu’alors on considère, c’est le résultat : la somme d’une série chronique, d’une succession d’états immédiatement consécutifs différents les uns des autres. Par exemple, en rencontrant une personne qu’on n’avait pas vue depuis longtemps on