Page:Revue de métaphysique et de morale - 14.djvu/548

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
482
revue de métaphysique et de morale.

nements du monde pourraient avoir lieu, une puissance de commencer absolument un état, et par suite aussi une série de conséquences de cet état ; et alors, non seulement une série commencera absolument, en vertu de cette spontanéité, mais encore devra commencer aussi absolument la détermination de cette spontanéité elle-même, en vue de la production de la série, c’est-à-dire la causalité de telle sorte que rien ne précède qui détermine, suivant des lois constantes, cette action qui arrive. Mais tout commencement d’action suppose un état de la cause non encore agissante, et un premier commencement dynamique d’action suppose un état qui n’a avec l’état antérieur de cette même cause aucun lien de causalité, c’est-à-dire qui n’en dérive d’aucune manière. Donc, la liberté transcendentale est opposée à la loi de causalité, et une telle liaison d’états successifs de causes efficientes, d’après laquelle aucune unité de l’expérience n’est possible et qui, par conséquent, ne se rencontre dans aucune expérience, n’est qu’un vain être de raison.

Ce n’est donc que dans la nature que nous devons chercher l’enchaînement et l’ordre des événements du monde. La liberté (l’indépendance) à l’égard des lois de la nature est à la vérité un affranchissement de la contrainte, mais aussi du fil conducteur de toutes les règles. En effet, on ne peut pas dire qu’au lieu des lois de la nature, des lois de la liberté s’introduisent dans la causalité du cours du monde, puisque, si la liberté était déterminée suivant des lois, elle ne serait pas liberté, mais ne serait que nature. Nature et liberté transcendentale diffèrent donc entre elles comme conformité aux lois et affranchissement des lois. La première accable l’entendement de la difficulté de rechercher toujours plus haut l’origine des événements dans la série des causes, puisque la causalité y est toujours conditionnée, mais elle promet en retour une unité d’expérience universelle et conforme à la loi. L’illusion de la liberté, au contraire, offre sans doute du reposa l’entendement qui pousse ses explorations dans la chaîne des causes, en le conduisant à une causalité inconditionnée qui commence à agir d’elle-même, mais, comme cette causalité est aveugle, elle brise le fil conducteur des règles qui seul rend possible une expérience universellement liée.

Tout esprit qui soumet la conscience spontanée du libre arbitre à la critique rationnelle, à celle de la conscience réfléchie, se heurte à cette antinomie. Il n’est donc pas surprenant que les penseurs pour qui le principe de contradiction est un critérium valable dans tous