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naître qu’il dépend d’un antécédent, puisqu’il exprime ce que je suis, c’est-à-dire qu’il est prescrit infailliblement par mon essence, en un mot, c’est implicitement reconnaître qu’il est nécessité. Délibérer consiste à mettre en évidence la conformité parfaite de l’acte, une fois résolu, à mon essence, par suite sa nécessité.

En outre, affirmer qu’au même moment je puis vouloir une chose ou une autre, c’est admettre que ces deux volitions sont également indépendantes et que, par conséquent, celle qui prévaudra, n’étant en rien nécessitée, constituera un commencement de processus actif. Quel que soit donc (désir ou autre) son antécédent, il est, quant à l’entrée en exercice de mon activité volontaire, comme s’il n’existait pas, en ce sens qu’il n’est pas partie intégrante de celle-ci ; c’est par elle-même et d’elle-même qu’elle entre en exercice. En d’autres termes : un acte absolument indépendant, qui, par conséquent ne tient d’aucun autre ce qui le définit, c’est un acte qui n’est pas communiqué. Il contient donc en soi sa détermination, et par là c’est un changement initial dans le monde accidentel, une initiative, comme je l’ai précédemment nommé. Or une pareille variation, affranchie de tout conditionnement, répugne à la raison autant qu’une création ex nihilo. La raison, en effet, est mise en demeure de concevoir le passage du repos au mouvement sans que les conditions du repos soient préalablement modifiées ; ce qui est contraire à l’axiome de causalité tel qu’il s’impose à l’esprit humain pour l’explication du processus universel.

Kant, avec la subtile profondeur d’analyse qui caractérise son génie, a mis en évidence l’antinomie qu’implique le concept du libre arbitre dans la Critique de la Raison pure[1]. Je rappelle au lecteur le passage de cet ouvrage où il expose cette antinomie, qui est la troisième des quatre relevées par lui :

« Troisième conflit des idées transcendentales.

Thèse.

La causalité selon les lois de la nature n’est pas la seule dont puissent être dérivés tous les phénomènes du monde. Il est encore nécessaire d’admettre une causalité libre pour l’explication de ces phénomènes.

  1. Critigue de la raison pure, par Emmanuel Kant, p. 400. Traduction A. Tremesaygues et B. Pacaud, licenciés ès lettres, chez Félix Alcan, Paris.