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SULLY PRUDHOMME. psychologie du libre arbitre.

science expérimentale. Les physiciens, les chimistes, les naturalistes qui cultivent cette science appellenl indifféremment phénomènes les changements internes et les changements externes signifiés par les premiers. Cette confusion regrettable s’explique : la distinction capitale du subjectif et de l’objectif n’est expressément établie que depuis Kant. J’appellerai un fait ou un événement tout changement ou toute synthèse de changements internes ou externes, subjectifs ou objectifs el je prendrai le mot phénomène dans son acception étymologique.

IV

Les mots matière et esprit, physique et psychique signifient deux choses que ne sépare pas un abîme, qui ne sont pas irréductibles entre elles. L’acte d’écrire suffit pour en témoigner : la volonté, en effet, nient la plume ; or, s’il n’y avait absolument rien de commun entre l’une et l’autre, entre ce qui meut et ce qui est mû, comment la première pourrait-elle agir sur la seconde ? De même la physionomie, l’expression d’un état moral par les traits du visage, par le geste serait impossible, car dans le caractère expressif la matière et l’esprit, le physique et le psychique sont indivisibles ; c’est dans ce caractère que ces deux données communiquent le plus directement. Elles les communiquent immédiatement, il faut même dire qu’elles s’identifient en lui. Néanmoins elles sont considérées chez l’homme par le plus grand nombre comme deux êtres distincts sous les noms de corps et d’âme. Le problème qui l’ait l’objet du présent essai se trouve être, par la façon dont je l’aborde, indirectement intéressé dans cette distinction, comme on le verra au chapitre où j’analyse la nature et la formation des idées. J’ai été conduit à reconnaître l’identité foncière de ces deux données empiriques dans leur commune racine métaphysique.

V

Les hommes qui doutent rationnellement du témoignage de la conscience spontanée touchant le libre arbitre sont certains philosophes parmi lesquels Spinoza est celui dont le système est le plus solidement organisé en faveur de l’universelle nécessité, et les savants attachés à la méthode expérimentale inaugurée par Bacon et parfaitement définie par Claude-Bernard.